Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

LEGISLATIVE, 257

truit des mouvemens de l’armée prussienne, et n’en donnant aucune connaissance à l’assemblée nationale: instruit, ou du moins pouyant présumer que cette armée nous attaquera dans un mois, disposait avec lenteur les préparatifs de répulsion; si l'on avait une juste inquiétude sur les progrès que les ennemis pourraient faire dans l’intérieur de l’état, et qu’un camp de réserve fûtabsolument nécessaire pour prévenir ou arrêter ces progrès; s’il existait un décret qui rendit infaillible et prompte la formation de ce camp; si le roi rejetait ce décret et lui substituait un plan dont le succès fût incertain et demandât, pour son exécution, un temps si considérable, que les ennemis eussent celui de la rendre impossible; si le corps-lé. gislatif rendait des décrets de sûreté générale, et que l'urgence ne permit aucun délai pour leur exécution, que cependant la sanction fût refusée ou différée pendant deux mois; si le roi laissait le commandement d’une armée à un général intrigant, devenu suspect à la nation par les fautes les plus graves, les attentats les plus caractérisés à la constitution; si un autre général, nourri loin de la corruption des cours, et familier avec la victoire, demandait, pour la gloire de nos armes , un renfort qu'il serait facile de lui accorder ; si par un refus, le roi lui disait clairement: Je te défends de vaincre; si, mettant à profit cette funeste temporisation , tant d’incohérence dans notre marche politique, ou plutôt une si constante persévérance dans la perfidie, la ligue des tyrans portait des atteintes mortelles à la liberté, pourrait-on dire que le roi a fait la ré sistance constitutionnelle; qu’il a rempli, pour la défense de l’état, le vœu de la constitution ; qu’il a fait l'acte formel qu’elle lui prescrit ? S’il était possible que, dans les calamités d’une guerre funeste, dans un bouleversement contre-révolutionnaire, le roi des Français ne leur parlât de son amour pour la constitution, qu'avec une ironie insultante et dérisoire, neseraïent-ils pas en droit de lui dire?

« © roi! qui sans doute avez cru, avec le tyran Lysandre , que la vérité ne valait pas mieux que le mensonge , et qu’il fallait amuser les hommes par des sermens , ainsi qu’on amuse les enfans avec des hochets ; qui n’avez feint d'aimer les lois, que pour parvenir à la puissance qui vous servirait à les bra« ver; la constitution , que pour qu’elle ne vous.précipitât pas du trône où vous aviez besoin de rester, pour la détruire ; la nation , que pour assurer le succès de vos perfdies , en lui inspirant de la confiance; pensez-vous nous abuser aujourd’hui avec d'hypocrites protestations, nous donner le change sur la cause de nos malheurs, par l’artifice de vos excuses ct l’audace de vos sophismes ?

» Etait-ce nous défendre que d’opposer aux soldats étran-

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