Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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s'était attaché, par des caresses et des libéralités, à porter leur fidélité jusqu’au plus héroïque dévouement. L'assemblée avait -vouluenlever ce secoursau roi : elleavait ordonnéque la gardesuisse s’éloignât de Paris. Les ministres avaient saisi différens prétextes pourreculer l'exécution de cetordre : maisilsn’avaient pas osé faire arriver à Paris la moitié de ce corps qui était à Courbevoie, tant on redoutait de justifier les alarmes du peuplesurles préparatifs hostiles de la cour. On regrettait actuellement d’avoir eu cet excès de timidité. Les cours êt les postes principaux des Tuileries étaient occupés par {rois ou quatre cents suisses. Avant même que le tocsin ne sonnât, quelques compagnies de grenadiers de la garde nationale étaient accou= rues au château: on y distinguait particulièrement ceux des Filles Saint Thomas. Ils étaient animés du désir de prouver, dans ce jour, leur zèle pour le roi, et de venger la mort de Duhamel. L'intérieur du château était encore rempli par sept à huit cents royalistes, qui avaient dédaigné de se faire inscrire dans la garde nationale, etqui, réunis à elle, eussent été d’un plus grand secours pour le roi. Chacun d’eux s'était armé de sabres, de fusils, de pistolets. On remarquait, parmi eux, beaucoup d’anciens militaires; ce qui restait encore de l’ancienne garde du roi, et quelques soldats de la garde constitutionnelle que l’assemblée avaitlicenciée. Le roi reconnut, avec attendrissement, plusieurs de ceux qui avaient eu autrefois les grades les plus élevés. Le vieux maréchal de Mailly parut, et sur-le-champ un vœu unanime lui déféra le commandement de la troupe des gentilshommes; c’est le nom qu’elle se donnait. Cependant leur destination restait encore incertaine, leur “mouvement tumultueux, la diversité de leurs armes ne permettait pas même une organisation. Ils entouraient la famille royale, et semblaient trouver leur consolation à lui donner le dernier témoignage d'amour et de fidélité : l'étiquette de la cour fut presque conservée au château dans cette nuit désastreuse. On flattait le roi d’une victoire certaine : maïs la consternation qui était au fond de son ame se laissait lire sur son visage. Tout cet appareil nouveau sollicitait de lui des résolutions courageuses , ou qui n'étaient point dans son caractère , ou qu'il n’osait prendre contre des Français, ou que les périls de tous les siens venaient ébranler. La reine, au contraire, montrait de la sérénité, du courage. Des flots de courtisans se pressaient encore autour d’elle pour lui faire entendre , à chaque instant, combien ils admiraient sa magnanime confiance. Cependäntles gardes nationaux murmuraient de voirse mêler parmi eux, une troupe dans laquelle ils ne voyaient que d’opiniâtres ennemis de la révolution. Elèves de Lafayette, ces grenadiers auraient cru faire un crime, si, endéfendant leroi,

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