Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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ils avaient mis Ja constitution en danger. Ils s’offensaientaussi de ce que la troupe des gentilshommés recevait de la famille royale plus de témoignages de confiance qu’on ne leur en montrait. La reine vit avec alarme cette disposition fâcheuse des esprits; elle fit tout pour la calmer. Point d'ombrage, disaitelle, point de défiance entre ceux qu’unissent des sentimens si généreux. Ces messieurs ont droit, par leur zèle, à courir les mêmes dangers que vous; vous les verrez soumis aux ordres qui leur seront donnés. Jamais les lois ne leur furent plus sacrées que dans ce moment où ils viennent les défendre contre des furieux; ils brûlent de mourir pour leur roi, etvous savez que la destinée de tout ce qui vous est cher, est aujourd’hui attachée à la sienne. Ainsi parlait, la reine ; et les regards que chacun tournait vers cette malheureuse famille , contribuaient autant que ces discours, à calmer les divisions de ses défenseurs. Madame Elisabeth, le cœur dévoré de crainte , se contraignait assez pour exprimer et pour inspirer la confiance. Dans un moment d'enthousiasme , il fut proposé de ne pas se tenir sur la défensive, d’aller au devant des insurgens, de, couper en différens endroits leurs colonnes, et de les faire poursuivre par la ge“darmerie à cheval. On espérait, par cette surprise , s'emparer de leurs canons. Des militaires distingués par leur bravoure, tels que messieurs d’Hervilli et Vioménil , appuyaient vivement ce plan d'attaque. Il fut un moment résolu. Le commandant de la garde nationale, Mandat, s'était, dit-on, chargé de le faire exécuter; mais le roi n’approuva pas long-temps un parti aussi téméraire. Pendant qu’onle discutait encore , les événemens ne permirent bientôt plus de l’accomplir. On doit même conjecturer qu'il eût été sans succès, puisqu’on était obligé de faire agir dans cette attaque la gendarmerie , dont la prompte défection contribua beaucoup au désastre dela cour. À chaque instant, des membres de la municipalité ou du département se présentaient au château, et peignaient les dangers toujours croissans. Pétion y parut ; un cri mêlé d'horreur et de juie s’éleva à son aspect : on s’écria qu’il fallait se saisir d’un homme si cher au peuple , et le faire servir d'ôtage pour les jours du roi. Cet avis fut généralement adopté, et Pétion fut gardé au château. On ignorait avec quelle facilité etquellecomplaisance les principaux des conjurés eussent sacrifié un homme qui leur était déjà odieux. On cessa bientôt de prodiguer les outrages à cetimportant prisonnier ? ©n songea à en tirer parti d’une manière plus utile. On lui proposa de signer unordre aux troupes, de repousser la force par la force : il ft une faible résistance ; il sigua, Jamaisilne put se justifier aux yeux du parti vainqueur, decette condescendance qui lui fut reprochée , comme un acte de lâcheté et de perfidie,