Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3
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de conciliation et de paix. À l'aide de ces démonstrations, ils étaient parvenus à mettre de la confusion dans les rangs : un coup de fusil qui partit des fenêtres du château leur servit de signal, et ils commencèrent leur décharge. Suivant les défenseurs du château , les suisses restèrent immobiles à la proposition qui leur fut faite de fraterniser. Cinq d’entre eux, qui défendaient la grille, furent massacrés ; et ce fut cette premiere hostilité qui détermina leurs chefs à exécuter les ordres qu’ils avaientreçu du maire Pétion de repousser la force par la force: quoi qu’il en soit , ce fut au pied de l'escalier que s’engagea laction. La première décharge des suisses fit reculer la foule épouvantée, jusque dans la cour. Tandis qu’une partie fuit en désordre, l’autre continue l'attaque. Plusieurs coups de fusils sont lancés contre les fenêtres du château, et le château, y répond. Trois coups de canon sont tirés, et viennent frapper l'extrémité des toits. Bientôt les suisses viennent se ranger en bataille dans Ja cour; ils font une seconde décharge , et puis un feu roulant ; la fuite est générale. Un grand nombre de marseillais et brestois sont restés sur le champ de bataille, quatre pièces de canonsont abandonnéessurleCarrouzel. Toutes les cours sont vides; il ne reste plus rien au Carrouzel , de la foule quil'inondait. Les gendarmes se mêlent aux fuyards, et en écrasent plusieurs. Le peuple les prend pour desennemis, et leur lance des pierres : on avait aussi tiré sur eux des fenétres du château. Les suisses n’osent marcher à la pousuite des assaillans, qui se dispersent de tous côtés, et qui rentrent jusque dansleurs faubourgs. Les suisses ont conquis quelques canons, mais qui sont sans affût et inutiles.
Dans ce court intervalle d’une première victoire , à la plus terrible défaite , les défenseurs du château ne virent point de nouveaux bataillons se joindre à eux. C’est alors qu’on regrettait d’être privé de laprésence du roi. On n'avait point d'ordres , point de plans, point de forces réelles. On s’égarait, on se fatiguait à examiner et à rejeter des résolutions.
Quel tableau offrait, dans ce moment l’assemblée nationale! ‘Au premier bruit d’une décharge de mousqueterie, tous les cœurs se glacent; plusieurs fuyards viennent augmenter la terreur ,en entrant dans l’assemblée, en montrant leurs habits teints de sang, en racontant la défaite de leurs compagnons. Les regards se portent sur Louis; on l’accuse de perfidie , on voudrait éclater en reproches; cependant un grand nombre paraît déjà ménager en lui le vainqueur. On lui demandes’ila donné des ordres pour que les suisses fissent cette horrible défense; il répond qu'il n’en a point donné; la reine fait la même protestation. Le bruit, la confusion redoublent ; des coups de fusil viennent frapper jusqu'aux croisées de la salle. Quelqu'un