Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

LEGISLATIVE. 273

s’écrie : Nous sommes forcés. Tous s’agitent ; le président ne peut plus se faire entendre. Les uns veulent aller au devant du danger, les autres s'y soustraire. En place, en place, s’écrie Vergniaud , nous devons mourir à notre poste. On entoure le roi, on veut qu'ildonne de nouveaux ordres, qu’il fasse cesser le feu, et qu’il s’arrache à lui-même la victoire, s’il était possible qu'un si petit nombre de défenseurs la lui conservât. Louis promet tout, signe tout. L’horreur du sang quicoule, plus quelaterreurencore, agiteses esprits. Personne ne doutait plus que le triomphe dela cour n’eût étécomplet, si, dans ce moment la moitié des gardes-suisses, casernés à Courbevoie, fût arrivée au château. Louis signe un ordre qui suspend la marche. M. d'Hervilli avait été chargé, par lui, de porter aux suisses du château, la défense de continuer leur feu. Celui-ci accepta cette mission dans le dessein de ne pas la remplir, et d'aller se mêler, dans le combat, avec ces défenseurs intrépides. Cependant les marseillais, entraînés avec la foule, au-delà du Pont-Neuf, s'arrêtent tout-à-coup. Ils cherchent à rallier les fuyards; ils ne veulent plus admettre parmi euxque ceux qui sont résolus à combattre età mourir. Les canonniers partagent leurs fureurs; ils brûlent de venger le sang de leurs compagnons : on ne vit alors se mêler dans les rangs aucun des premiers fauteurs de l'insurrection. C'était toujours pour eux le moment de délibérer , jamais celui de combattre. Westermann dirige une nouvelle attaque; il distribue, avec intelligence , les nombreux canons qui doivent en faire le succès. Le chàä+eau est de nouveau investi; la gendarmerie vient au-devant des insurgens ; elle se mêle avec eux, elle s’emporte contre ses chefs, elle les expulse, oules arrête. Son exemple entraine plusieurs bataillons de gardes nationales qui étaient venus pour défendre le château. Le canon tonne de tous côtés, lesmurailles et les toits sont percés de boulets ; les suisses se voientenveloppés et se défendent encore; le feu de leur mousqueterie part sans interruption; mais déjà ils manquent de cartouches ; deux pièces de canon leur forment une vaine défense contre tant de bouches à feu. Le château est embrasé dans plusieurs parties ; les marseillais forcent le passage; les suisses sont déjà divisés en plusieurs pelotons; plusieurs teignent de leur sang les degrés du palais des rois, le plus grand nombre fuit à traversle jardin; onles poursuit jusque dans les Champs-Elysées; Jamultitude se précipite sur eux, la gendarmerie les environne de touscôtés. On les égorge, on mutile leurs cadavres, on porte en trophées leurs membres sanglans, on les fait servir à d’horribles festins. Les grenadiers des Filles-Saint-Thomas se retirent, et ne doivent leur salut qu’à la vengeance qui s’est aitachée particulièrement aux suisses. Fout ce qui était enfermé

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