Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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fabriquées à la commune, et chacune d’ellescompromettait les hommes que la haîne avait proscrits d'avance. L'assemblée se vit abligéé de promettre une justice sévère ; elle rendit des décrets d'accusation contre les ministres, alors en exercice. Un seul d’entre eux fut arrêté, c'était d'Abancourt, ministre de la guerre. Elle rendit le même décret contre Montmorin, Bertrand et Montciel; contre Duport, Barnave et Alexandre Lameth. On avait trouvé au château l'instruction que ces trois membres de l'assemblée constituante avaient donnée au roi, sur la conduite qu’il aurait à tenir en refusant la sanction des décrets des prêtres et des émigrés. Barnave fut arrêté à Grenoble , où il s'était retiré. La commune de Paris continua ses actes de vengeance. L'assemblée forma un conseil exécutif

rovisoire : Roland, Servan etClavières furent rappelés dans Îles ministères qu’ils avaient un moment exercés; on leur associa Danton. Les girondins n’osèrent refuser ce prix de ses ser= vices à l'homme qui avait préparé sans eux le 10 août, et qui bientôt en dirigea les suites contre eux. Il méditait un grand crime; on le fit ministre de la justice.

La victoire remportée à Paris sur le trône, conquit bientôt tous les départemens à la république. Nulle résistance, nulle réclamation. Les mêmes autorités administratives qui avaient protesté contre la journée du 20 juin, célébrèrent la journée du 10 août; le 14 juillet n’avait pas obtenu un assentiment plus unanime. La terreur produisit ici le même effet, qu’auparavant l'enthousiasme. Les royalistes se cachèrent, les constitutionnels se turent ; leur parti, désignésous le nom de feuillans, cessa d’exister dès ce jour.

Cependant, à Rouen, le peuple parut s’émouvoir et plaindre le sort du roi. Un régiment suisse, qui Sy trouvait, se montra disposé à venger la mort de ses compatriotes. Larochefoucault-Liancourt fit renouveler aux soldats et aux citoyens le serment de fidélité à la constitution qu’on venait de détruire. Les corps administratifs de cette ville se joignirent à lui, mais avant qu’on eût pu délibérer sur le genre de résistance qu’on devait opposer auxnouveaux décrets, la disposition des esprits avait déjà changé. La commune de Paris envoya à Rouen des émissaires qui réussirent à épouvanter les habitans de cette ville. Larochefoucault-Liancourt se vit bientôt abandonné.

Quand la nouvelle du 10 août parvint à l'armée de Lafayette, chefs et soldats, tout parut partager la douleur du gén éral. Son quartier-général était alors à Sedan, etilavait avec lui une partie considérable des troupes qu'ilcommandait. La résistance lui parut un devoir : son état-major, les chefs de bataillon se rassemblent autour de lui; il fait publier à l’ordre une proclamation dans laquelle il se déclare ouvertement contre les évé-