Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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nemens du 10 août et contre les décrets de l'assemblée nationale. L'armée annonce par ses cris, qu’elle estremplie de toute Yindignation qu’on a voulu exciter en elle. Le département des Ardennes, dont le siége est à Sedan, refuse de reconnaître les décrets de l'assemblée nationale. Elle avait prévu cet orage, elle avait envoyé trois deses membres, Antonnelle, Kersaint et Perraldi, avec le titre de commissaires auprès de l’armée de Lafayette. Leur mission était d’épouvanter le général, ou de le séduire , en lui offrant l'oubli des longues querelles qu’il avait eues avec le parti vainqueur; et enfin, d’agir sur l'esprit des soldats, si Lafayette restait inflexible. On les avertit, sur leur route, de ce qui se passait dans le camp, et des dangers qu'ils ont à courir, Ils persistent à vouloir remplir leur mission ; ils arrivent à Sedan. Lafayette saisit cette occasion, toujours désirée par un chef de parti, de s’annoncer par un coup de force. Il enjoint à la municipalité de Sedan, sous sa seule responsabilité personnelle, d'arrêter les trois commissaires. Cet ordre est exécuté; ils sont conduits en prison, et gardés comme des ôtages qui répondent des jours du roi.

Lafayette avait espéré que ce vœu de résistance serait unanime, au moins dans son armée. Il connaissait le caractèreirrésolu du général Lukner, qui commandait alors l’armée de la Moselle. Les efforts qu'il fit pour l’entraîner dans son parti furentimpuissaus. Ce vieux soldat, pour qui la révolution était une énigme, ne faisait, depuis trois mois, que des démarches contradictoires. Il était tour-à-tour l’espoir de la cour et celui des républicains. Il étaitsans franchise, sans fermeté, et même sans volonté. Son extrême ignorance, son penchant à l'ivrognerie achevaient de rendre ridicule un vieux partisan qu’on voulait faire passer pour un grand général : il se soumit à l’assemblée. Lafayette apprit bientôt une autre défection qui lui fut plus sensible, et qui se passait dans une partie de sapropre armée. C'était au camp de Maulde; Dillon en avaitle commandement. D'abord il rejeta les décrets de l'assemblée, et déclara hautement sa résistance; mais Dumouriez qui était sous ses ordres, changea bientôt cette disposition. Après avoir irrité contre lui tous les partis, il sentait le besoin de se rapprocher ‘des vainqueurs. Il brava l'autorité de Dillon, refusa d’exécuter les ordres qu’il en recevait, le frappa d’épouvante, et l’amena à un prompt repentir. Bientôt il annonça le projet de marcher contre Lafayette lui-même : les républicains acceptèrent son dévouement avec autant de confiance que si déjà ils n'avaient pas été trompés par lui. Qn lui remit des pouvoirs étendus, on offrit à son ambition tout cegu’elle demandait.

Lafayette dissimulait en vain ses inquiétudes; ses soldats les devinaient. Ils commencaient à s’épouvanter d’être ainsi aban-