Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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donnés par les autres armées. Tout était danger dans la position du général : que pouvait-il faire ? Marcher sur Paris ? C'était peut-être exposer à la mort le roi et sa famille, et tous ceux qui leur avaient été attachés ; c'était ajouter aux malheurs de la révolution le fléau qui les rassemble tous, la guerre civile. Et combien les chances n’en eussent-elles pas été funestes pour cette armée même ? L’ennemi la pressait de tous côtés ; Lafayette éloignait avec horreur tout projet de capituler avec lui, de lui livrer la frontière, et de se perdre à jamais par un pacte honteux. Le trouble et la consternation ne tardèrent pas à se répandre dans le camp. Le premier feu de l’indignation est ralenti; un grand nombre de soldats désertent et dénoncent Lafayette et son état-major. Les corps mêmes qui s’étaient prononcés le plusouvertement, n’annoncent plus qu’une fidélité chancelante. L’inaction laisse de la place à tous les raisonnemens, à tous les repentirs. Ce changement des esprits se manifeste sur-tout à une nouvelle revue : les canonniers protestent contre ce qui s’est passé; quelques soldats crient dans les rangs : Wivent les députés de l'assemblée nationale ! Déjà le bruit s'était répandu que Lafayette était décrété d’accusation par l'assemblée, qu’on sévirait contre ceux qui le reconnaîtraient encore. Cependant, au milieu de cette nouvelle opposition qu’il éprouve, ceux mêmes qui l’abandonnent semblent encore le plaindre ; il se retire et tient dans la nuit conseil avec tous ceux de ses amis auxquels il avait fait partager ses dangers. Tous reconnaissent l'impossibilité de soutenir le mouvement qu’ils ont commencé. Il faut fuir; ils n’ont qu’un mo * ment pour préparer leur fuite. Il s’agit de traverser le territoire étranger; Lafayette n’ignore pas qu’il y va rencontrer des inimitiés non moins implacables que celles auxquelles il dérobe sa tête. Il espère au moins mettre en sûreté ses compagnons ; ils sortent dans la nuit au nombre dedix-huit ; Lafayette estaccompagné de son ami le plus dévoué, Latour-Maubourg, d'Alexandre Lameth , qui fut, pendant quelque temps, à l’assemblée constituante, son adversaire; et qui, depuis, a partagé ses vœux et ses malheurs; de Bureau-de-Pusy que cette même assemblée nomma trois fois son président , de plusieurs aides-de-camps, de tous ceux enfin qui ont à redouter la coière du parti qui triomphe. Les soldats devinent le projet qui les occupe; mais ils restent immobiles, et semblent faire des vœux pour leur salut. Aucun des fugitifs ne fait d’indignes tentatives pour entraîner quelques corps à la désertion, et pour s'assurer par-là la faveur des ennemis. Ils abandonnent le territoire de France, dans la nuit du 19 au 20 août; ils font plusieurs lieues sans rencontrer aucun poste ennemi; ils ne sont point déguisés ; ils annoncent, sur leur route; qu’ils sont des