Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

280 . ASSEMBLEE

officiers français qui désertent l'armée et qui se rendent en Suisse; enfin ils sont arrêtés par une patrouille autrichienne; on les interroge; ils se nomment: ils disent la cause de leur fuite; on les arrête; ils sont prisonniers du roi de Prusse. Ils se flattent encore que ce monarque respectera en eux le droit des gens , et celui du malheur. Mais ceux qui viennent renverser en France la révolution, n’examinent point quelle circonstance a mis en leur pouvoir l’un des hommes qui contribua le plus à son mouvement. Les émigrés tirent un augure favorable de ce coup du sort, qui leur livre un ennemi sans défense.

Lafayette éloigné, il ne restait plus aux vainqueurs du 10 août, d'autre sujet d’alarmes que les armées étrangères, qui se préparaient à l'invasion du territoire français. Mais la division qui existait entre les révolutionnaires, lors même qu'ils semblaient concourir au même but, éclata avec plus de violence, lorsque les uns voulurent établir la puissance des lois, et que les autres voulurent régner par l'anarchie et parle crime. L'assemblée législative essayait vainement d'arrêter les usurpations de la nouvelle commune de Paris; celle-ci avait encore entre ses mains tous les moyens qu’elle avait développés au jour de l'insurrection. Elle commandait toujours aux cent mille hommes armés qu’elle avait fait mouvoir; elle ne permettait pas à leur fureur de se ralentir un moment, ses délibérations étaient publiques, et des projets sanguinaires, tous les jours annoncés par ses féroces orateurs, tous les jours répétés par mille bruyans échos, tenaient l’assemblée législative dans l’humiliation, Paris dansla stupeur, et la France entière dans une sombre attente. Robespierre s’était mis à la tête de la commune de Paris. Un chef qui eùt valeureusement conduit les colonnes républicaines dans l'attaque du château ; un héros qui, par les triomphes les plus éclatans , eût délivré sa patrie d’une invasion étrangère , n’eût jamais osé prendre un ton aussi impérieux que ce ténébreux instigateur de troubles dont il ne partageait pas les dangers. Il venait souvent présenter des pétitions à l'assemblée. « Le sang ne coule point encore , disait-il, le peuple reste sans vengeance. Nul sacrifice d’expiation n’a encore été offert aux manes des héros dont la mort glorieuse a valu le 10 août à la France. Et quels sont jusqu’à présent les fruits de cette immortelle journée ? On a suspendu un tyran; il fallait le déposer et le punir. Ses exétrables complices conspiraient dans un château; ils conspirent dans leurs maisons, dans leurs jardins somptueux. Déjà je les vois, je les entends qui se flattent de surprendre et d’égorger sans défense des vainqueurs qu’on empêche de profiter de leur victoire. Un tel malheur, s’il arrivait, ne serait point imputé