Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

190 ASSEMBLEE

n’ose soutenir les regards, ni braver les coups de quatre cents assassins. Les vainqueurs et les vaincus du ro août se placent sous la même bannière ; on affecte d’ignorer la scène sanglante qui se prépare; on ose à peine en parler au moment où elle s'exécute.

Déjà les assassins sont aux portes des prisons. Leur premier rassemblement s’est formé autour de la commune. Là, un comité de surveillance, où préside Marat, donnedesinstructions à la troupe des sicaires, et cherche à combattre en euxles derniers restes de pitié qui pourraientse trouver encore dansleurs cœurs. Robespierre, Billaud-Varennes, Collot-d’Herbois, les haranguent tour-à-tour. « Peuple magnanime et bon, dit ce dernier , tu vas à la gloire, tu marches à la mort. Malheureux que nous sommes, de ne pouvoir te suivre au théâtre des combats ; tu nous laisses au milieu desconspirateurs et destraîtres. Comme leur audace va s’accroître, quand ils ne verront plus dans Paris les vainqueurs du 10 août ! Ah ! du moins, ne nous laissez pas responsables du meurtre de vos femmes, de vos enfans, que les conspirateurs préparent dans ce moment même, jusque dans les prisons que leurs complices vont bientôt leur ouvrir. » On répond à cet atroce discours par ces cris : Qu'ils périssent ! La mort ! la mort ! La commune distribue aux assassins des liqueurs fortes, et ces poisons fermentés allument dans leurs veines la soif du sang. Klle distribue de l’argent et des assignats à ceux dont la cruauté n’est point suffisamment excitée par le fanatisme. Ils traversent les rues de Paris, ils les font retentir de chants féroces. Ils se portent d’abord dans la prison des Carmes. Là, se trouvaient deux cent cinquante prétres; plusieurs d’entre eux avaient été arrêtés la veille, au moment où ils sortaient de Paris pour obéir à la loi de déporta-. tion, que l’assemblée législative avait rendue contre eux depuis le 10 août. L’archevêque d’Arles , recommandable par les vertus les plus pures et la piété la plus douce, les évêques de Beauvais et de Saintes étaient au milieu de ces prêtres. Déjà ils entendent les cris des assassins; ils ont la résignation et le triomphe des martyrs. Rassemblés autour de l'autel , ils implorent le pardon du ciel pour les assassins qui les entourent. Plus de gémissemens , plus de trouble; l'archevêque d'Arles leurrécite Les prières des agonisans; ils y répondent : un calme céleste a passé dans leurs ames. Quelques-uns avaient médité des moyens d'évasion, que des voisins leur avaient indiqués. Ils s'apprêtaient à Aix; déjà ils étaient hors de danger ; bientôt ils se reprochent de s’être soustraits à la mort qui attend leurs Come= pagnons; ils reviennent au milieu d’eux. Les assassins entrent, se pressent de massacrer, pour n’être point vaincus par Ce Spectacle touchant et sublime, Quelquefois cependant ils veulent