Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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dant, dès que les assassins la virent, ils parurent oublier les ordresqu’ils avaient reçus; d’autres accourent, pressentdavantage ceux-ci, leur rendent toute leur cruauté. On l’accable d'invectives, et pour la tourmenter encore plus, on couvre d’opprobres le nom de la reine. On veut qu'elle répète ces outrages. Non, non, s’écrie-t-elle, jamais, jamais! En même temps elle se sent défaillir, ses yeux se ferment et c’est'en ce moment qu’elle est frappée. Un de ses domestiques, qu’elle avait comblé de bienfaits , lui porte les premiers coups. Son Corps sanglant est déchiré par les assassins et les furies qui les suivent ; sa tête est portée au bout d’une pique ; on conduit cet horrible trophée devant le palais du duc d'Orléans; le monstre se lève d’un festin pour venir se repaître de ce spectacle. Les convives jettent un cri d'horreur, il leur répond par un sou rire féroce. Achevons et tâchons de poursuivre cet horrible récit. Cette tête fut aussi portée devant le Temple, prison de la famille royale. Au bruit affreux qui en remplissait les environs, Louis s’émeut. Un commissaire de la commune, quise trouve près de lui à la barbarie de l’inviter, de lui ordonner même de paraître à la fenêtre; un autre, saisi d'horreur , l'arrête au moment où il se lève: N’allez pas, n’allez pas, s’écrie-til, c’est la tête de madame de Lamballe. Louis a de la peine à recouvrer ses sens, et cherche encore à cacher cette affreuse catastrophe à sa famille. Depuis, il fut interrogé par des commissaires de la convention, sur cette circonstance et sur le nom des deux membres de la commune. Je ne me souviens plus, répondit-il, que du nom de celui qui m'a empêché d’aller à la fenêtre.

Madame de Tourzel et sa fille furent sauvées. Un commissaire de la commune les mit sous sa protection. Séparées l’une de l’autre, elles avaient le tourment d’ignorer réciproquement leur destinée. Elles furent réunies, et le tableau touchant qu’elles offrirent acheva de les protéger contre les fureurs, sans cesse renaissantes des assassins. Madame de Saint-Brice , madame de Septeuil, la princesse de Tarente et d’autres femmes, échappèrent encore. On attachait à leur tête un ruban tricolor, gage de leur salut ; on les reconduisait chez elles, et des bras tout couverts de sang les remettait aux bras de leurs parens, de leurs amis. Ceux qui les avaient ramenées fondaient en larmes, et les quittaient pour retourner aux massacres. On prétend que l’un d’eux, à qui une victime sauvée par lui, offrait de l'argent, répondit ce mot incompréhensible : On me paie pour tuer, on ne me paie pas pour faire de bonnes actions. On a vu des bons de la commune pour payer en assignats les assassins.

” Deux femmes, dont le nom sera à jamais béni par toutes les