Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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autres prisonniers du sort qui les attendait; il exerçait son courage en soutenant le leur. Icraignait sur-tout l’ardenteinimitié de Manuel, procureur de la commune, qui avait été l'objet de sa gaieté satyrique. Le premier septembre, vers le soir, on vient lui dire qu'un membre de Ja commune le de mande; il reconnaît Manuel, il frémit. « Vous m'avez offensé, lui dit ce dernier, ce serait un crime à moi de m’en souvenir dans ce moment. J’ai sollicité votre liberté, et je vous lapporte; il n’y a pas de temps à perdre, sortez avec moi tout de suite. » Un pareil trait de générosité peut défendre la mémoire de Manuel contre toute accusation de complicité dans les meurtres de septembre. Presque toujours les assassins dépouillaient leurs victimes. Les uns portaient ces eflets à des membres de la commune qui en firent leur proie ; d’autres les gardaient avec inquiétude; car les assassins s’accusaient entre eux de vol, etpunissaientde mortceux qu'ilssurprenaient. Quand les prisons , où étaient renfermés ceux qu’on appelait les conspirateurs, furent vides, les brigands révolutionnaires, conduits par la soif du sang, se portèrent sur Bicêtre. Là ne se trouvent que des hommes condamnés par jugement à la peine des fers. Ce fut une sorte de guerre civile entre deux espèces de brigands. Ceux de Bicêtre se défendirent long-temps contre les assassins; ils se firent des armes, ils s’en servirent avec fureur, et les mains du crime vengèrent la vertu immolée. La troupe des furieux s’acharna parlarésistance qu’elle éprouvait; elle employa contre eux des pompes qui les noyèrent. Les prisons n'oflrant plus de victimes, les assassins furent enfin forcés de se reposer. '

Que faisaient cependant, durant ces jours désastreux, toutes les autorités publiques? Au son du tocsin, de la générale et du canon d'alarme, quand les prisons étaient forcées, quand le sang y ruisselait, l'assemblée des représentans du peuple discutait des décrets pour la fabrication d’une petite monnaie. L'évêque constitutionnel Fauchet, dont la voix n’avaitencore exprimé dans l’assemblée que terreurs et qu’imprécations, rompit le premier ce silence, et annonça, avec le sentiment d’une profonde indignation, le massacre de deux cents prêtres aux Carmes. Il demanda que l’assemblée allât se placer entre les bourreaux et les victimes. Elle y envoya en députation Fauchet, Dusaulx, vieillard respectable par des talens et des vertus, Chabot et Bazire. Mais bientôtils reviennent; leur voix a été étouffée par des cris tumultueux; ils n’ont pu soustraire qu’un malheureux à la mort : c’était le député Jouneau, qui était à l'Abbaye, par la suite d’une rixe qu'il avait eue avec son collégue Grangeneuve. Celui-ci outragé et frappé, en avait tiré une vengeance cruelle. Les commissaires de l'assemblée