Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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son extérieur, si on n'eût un peu ressemblé à un membre du comité révolutionnaire : une barlie longue, une perruque noire , des moustaches, donnaient aux traits un masque jugé nécessaire.

Même cynisme , et plus rebutant encore, dans le ton, dans les discours. Après la mort du père Duchêne, le peuple parlait encore son langage. Dans ce torrent d’expressions infâmes, la pudeur était outragée par des femmes , l'humanité par des enfans. Si quelquefois vous voyiez une fausse image de gaîté sur les figures , en vous approchant, vous reconnaissiez que c'était une saillie féroce qui Vavait excitée chez des auditeurs tremblans. Le tutoiement, que le jacobinisme avait introduit en supprimant une expression de respect consacrée par l'usage, donnait à des hommes grossiers l’occasion d’insulter et de déconcerter la jeune fille timide.

Îl y avait des spectacles encore. Quels ‘spectacles! Les chefs-d’œuvre de la scène francaise en étaient éloignés ou profanés par de barbares inepties. Tout se réunissait pour inspirer la confusion et le repentir à l’homme qui était allé y chercher un plaisir ou une diversion après les massacres de la journée. Le triomphe de la montagne , la mort de Marat étaient les sujets des pièces nouvelles, qui inspiraient du dégoût à ceux mêmes qui les avaient commandés. 11 était une heure du jour où Paris sortait de son silence. On voyait une foule courir vers le même lieu , une autre foule s’en éloigner avec précipitation : c'était le moment où l’on menait à la mort soixante victimes.

Dès les premières ombres de la nuit, un calme lugubre succédait aux mornes occupations du jour. Chacun était rentré dans sa maison, qui n’était pas un asile. Un coup de marteau, un signal entendu dans la rue, une voiture arrêtée glaçait le cœur. Toute une famille se serrait éplorée , et croyait se voir au moment de la séparation fatale. Souvent ceux pour qui se renouvelait chaque fois de telles angoisses enviaient le sort des prisonniers eux-mêmes.

Et d’un tel gouffre il y avait presque impossibilité de sortir. Les barrières étaient ouvertes à ceux qui venaient s'y précipiter, fermées à ceux que l'horreur en chassait : rien n’exposait plus la vie que la demande d’un passe-port. C'était un comité révolutionnaire qui l’accordait ; c'était la commune de Paris qui le visait. Supposé qu'il fût obtenu, voici ce qui s’offrait au voyageur, en quelque lieu qu’il portât ses pas : des croix abattues , des autels renversés , 125 ruines de châteaux gothiques, les ruines d’autres châteaux que le goût moderne avait construits, et souvent