Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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n'avait pas achevés; les arbres hospitaliers marqués du sabre des soldats ; de longues voitures de prisonniers conduites ar des escortes de l'armée révolutionnaire ; des baïonnettes Rvées sur celui qui soupirait en les considérant ; des convois de grains pillés par un peuple en famine ; le train somptueux d’un proconsul qui allait en diligence dresser des échafauds : c'était-là le tableau qui frappait le voyageur sur les routes de France. S'il s'arrêtait, l'horreur et le péril redoublaient encore. Les villes , les bourgades , les villages avaient des comités révolutionnaires , un club de jacobins, On y était conduit, examiné. En cinquante lieues, un passeport était couvert de dix visas différens, et tous obtenus avec peine. Dans telle ville, la maison des suspects renfermait un quart des habitans. La plus humble chaumière cachait souvent un des proscrits les plus distingués. Les monts , les cavernes , les forêts, étaient au milieu de l'hiver un refuge peu sûr, mais recherché ; tel homme dont on s'était détourné avec effroi comme d’un brigand était un malheureux habitant de ces déserts. Mais que devenait le voyageur, si sa destination l'avait conduit à Strasbourg, à Arras, à Lyon, à Toulon, à Marseille, à Orange, lieux inondés de sang !

Que l’histoire ne confonde point ce qu’an aveugle ressentiment a trop souvent confondu. Les commissaires de la convention n'étaient pastous des émules de la cruauté des Carrier, des Joseph Lebon, des Collot-d’Herbois. Il y en eut qui éludèrent leurs horribles mandats. La mission d'André Dumont dans le département de la Somme est une sorte de phénomène historique. Personne ne parla avec plus de dureté que Jui le langage révolutionnaire. Il fit de nombreuses et continuelles arrestations; mais, j'ose le dire, parce que j'en ai acquis la conviction sur les lieux mêmes, il sauva la vie de ceux envers lesquels il se montrait si redoutable ; et le comité de salut public, et le tribunal révolutionnaire , et l’échafaud, les réclamèrent en vain. Robert Lindet, qui arriva dans le département du Calvados après sa malheureuse insurrection, montra une courageuse clémence. Le même homme, peu de temps après, intercéda dans les termes les plus énergiques pour Lyon, et voulnt prévenir lesiége de cette ville. D’autresencore imitèrent ces exemples ; et, si nous voulons les distinguer, cherchonsles parmi ceux qui, sans contrainte , avec constance , et même avec péril, ont signalé depuis un esprit de modération et des principes d'humanité.

Le département de Vaucluse, quiavait été depuisquatreans le théâtre de plusieurs guerres civiles et du massacre de la glacière d'Avignon, passa de la domination dejourdan, surnommé

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