Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

EXECUTIF. 163

usage pour introduire chez nous, par la force, une constitution qu’à peine la centième partie de nos citoyens serait en état de comprendre.

» Nous sommes des peuples de pâtres et de montagnards, qui , fidèles à la simplicité des mœurs de nos ancêtres, avons su jusqu'ici conserver peu de besoins et nous contenter de notre heureuse médiocrité : les faibles revenus de nos cantons sufhraient à peine à salarier le grand nombre de foncz tionnaires que nous donnerait la nouvelle constitution.

» Il faudrait trouver des ressources dans les propriétés particulières , qui , très-médiocres en général, seraient en peu de temps épuisées , et cette mesure inévitable menacerait notre pays d’une ruine totale et prochaine.

» Ne vous étonnez donc pas, citoyens directeurs, si Ja certitude que nous avons de cette aflligeante perspective nous fait abhorrer ce nouvel ordre de choses, et nous le fait envisager comme un fardeau dont le poids excède nos forces.

» Vos vues profondes en politique , vos connaissances exactes sur le caractère , la position et les ressources des peuples qui vous environnent, viendront à l'appui de ces représentations, et votre humanité, plus éloquente que nousmêmes , sera notre défenseur près de vous.

» La grande nation, dont la gloire consiste à remplir les annales de son histoire, d’actes de justice et de générosité, pourrait-elle bien les souiller du récit de l'oppression d’un peuple paisible qui ne lui a pas fait de mal, et qui n'avait ni la volonté ni la force de jamais lui être nuisible ?

» Bien loin de redouter un sort pareil, vos principes connus nous font conserver l'espoir consolant d'apprendre bientôt que vous n’avez projeté la nouvelle constitution que pour les parties de la Suisse qui vous la demanderont , et qu'au milieu des changemens que vous allez opérer, vous laisserez subsister les gouvernemens démocratiques, comme autant de monumens de votre admiration pour les héros dont ils sont l'ouvrage, et dont vous avez si souvent proclamé les hauts faits.

» Daïgnez , citoyens directeurs , nous donner encore une preuve de vos intentions bienveillantes envers les petits cantons, en ordonnant que la communication de leur part avec le reste de la Suisse ne soit pas interrompue.

» Daignezsur-tout noustirer bientôt del’incertitude cruelle où nous sommes : alors nos paisibles vallons retentiront des expressions de notre reconnaissance pour la grande nation

et pour ses dignes magistrats. Schwyiz, le 5 avril r798.

» Au nom des communes et des conseils des cantons démocratiques d'Uri, Schwytz, ete. »