Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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invitation, ou d’apaiser ou d’amuser le gouvernement francais par des négociations, jusqu’à ce que l’armée napolitaine püût se mettre en marche. Le directoire fut inflexible. Un mois s'était à peine écoulé depuis la mort de Duphot, qu’une armée française sous la conduite du général Alexandre Berthier était aux portes de Rome. Déjà elle s’était emparée du château Saint-Ange. :

Le 17 février était le jour de l'anniversaire de la vingttroisième année du règne de Pie VI. C’est ce jour là même qu'une insurrection éclate dans la capitale : son palais est investi ; le respect arrête les insurgés prêts à y entrer. Nulle part ils ne trouvent de résistance ; ils s’abstiennent de violences et d’outrages envers tous les objets de leur vénération; ils déclarent Rome libre; ils reconnaissent en eux le sang des Catons, des Scipions, des Brutus, et les descendans des Camilles viennent ouvrir leur ville aux Gaulois. Une députation était arrivée au camp français. Le général Berthier monte au Capitole; il salue une nouvelle république romaine. Nous venons de voir ce que les Suisses firent en souvenir de leurs aïeux. Les Romains en avaient de plus illustres encore; mais les Suisses avaient conservé les mœurs, la pauvreté et le culte de leurs pères, et nulle nation en Europe ne différait, par un contraste plus marqué, des anciens Romains, que les Romains modernes. Aussi cet effort vers la république fut-il plus court et plus déplorable que celui qui fut tenté à Rome, plusieurs siècles auparavant, sous la conduite du fougueux Rienzi. À

Ce fut vainement que le directoire de France envoya, pour donner des lois à Rome, un des hommes qui avaient le mieux développé en France les talens et les lumières du législateur , le député Daunou. Il manquait aux lois républicaines qu’il créa d’être appliquées à un peuple qui eût l'amour de la république. Le directoire ne prit pas des mesures propres à gagner l'affection des Romains ; les plus riches d’entre eux se virent pillés par des concussionnaires que ne purent réprimer des hommes d’une intégrité aussi pure que Dauvou et Monge, l’un de nos savans les plus distingués. Tandis que quatorze cardinaux feignaient de recevoir avec transport la liberté apportée par les Francais ; tandis que, pendant la retraite du saint pontife, à qui l'on avait permis de se retirer en Toscane , ils chantaïent en grande pompe un Te Deurn dans la basilique de Saint-Pierre, on déclarait émigré le plus grand nombre des princes de l'église qui avaient pris la fuite, on confisquait leurs biens. Les meubles somptueux, les chefsd'œuvre des arts qui décoraient leurs palais étaient enlevés. Le mécontentement fut extrême dans Rome, et les soldats