Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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autre Saint-Domingue. L'Egypte s’offrait pour remplir à-la< fois les deux vues que je viens d'indiquer. Avant les grandes entreprises de Vasco de Gama et d’Albuquerque , elle était l’entrepôt des marchandises des Indes. Les Ptolomées avaient suivi avec une admirable constance ce que leur avait indiqué le génie d'Alexandre. Les Romains, maîtres après eux de l'Egypte, avaient plutôt vu dans cette possession un grenier qui subvenait aux besoins de l'Italie que la plus belle position commerciale. Les Arabes avaient repris l’ouvrage des Ptolomées. Malgré la découverte du cap de Bonne-Espérance , et malgré la barbare insouciance des Turcs et des Mameloucks , l'Égypte offrait encore quelques vestiges de cette splendeur et mille moyens de la faire renaître. On s’ouvrait par la mer Rouge un moyen de porter des secours au fidèle allié des Français dans l'Inde, Tippoo-Saïb, et d’y renverser la domination anglaise. L’isthme de Suez allait être visité, et un grand problème résolu. Enfin la culture du sucre et du café allait être confiée au sol le plus favorable , et qui déjà les avait portés. Ces denrées pouvaient croître sans les travaux des esclaves. La souveraineté des Turcs dans l'Egypte avec des vassaux aussi fiers et aussi intraitables que les Mameloucks était illusoire. Les Turcs, dans la décadence progressive de leur empire, avaient moins à craindre des Français que des Russes qui, en attendant l’occasion d’envahir leurs provinces , asservissaient leurs flottes, leurs armées , et le divan même.

Voilà ce que l'imagination, sans se livrer à un enthousiasme téméraire , découvrait dans l'expédition d'Egypte. Ajoutez à cela, si la fortune eût secondé notre marine, le pavillon français dominant dans la Méditerranée. Les campagnes de Bonaparte en Italie avaient fait recouvrer et acquérir d'importantes possessions sur cette mer. L’île de Corse; sur le seul bruit des victoires de ce général , avait secoué le joug des Anglais, qu'avait appelés le célèbre Paoli, rangé long-temps parmi les plus intrépides défenseurs de la liberté, mais adversaire constant de la liberté française. Les fles vénitiennes , et particulièrement celle de Corfou , acquises par le traité de Campo-Formio, ouvraient des communications aveë la Grèce. La conquête prochaine de la Sicile se présentait comme un événement probable. Ce fut vers Malte que se dirigea d’abord la flotte qui portait Bonaparte. Elle était composée de treize vaisseaux de ligne , de qua= tre-vingt-dix autres bâtimens de guerre, frégates, cutters ; chaloupes canonnières ou galiotes à bombes, et plus de trois cents bâtimens de transport.