Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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L'armée avait traversé soixante lieues du désert le plus aride. Elle jouit enfin de l'aspect des montagnes de la Syrie; elle marche sur Ghazah. Les Tures et les Mameloucks se présentent sur les hauteurs; mais dès qu’ils aperçoivent le redoutable carré qui se forme, le souvenir de la bataille des Pyramides les fait fuir précipitamment. Ghazah ouvre ses portes. On trouve de grandes provisions dans le fort, qui est rendu sans résistance. Jaffa, que l’armée francaise investit ensuite, était défendue par deux forts. Après trois jours de siége, la brèche est reconnue praticable. L'assaut est ordonné. Lés carabiniers, les éclaireurs, les chasseurs s’élancent à la brèche. Les habitans, éperdus, voient des soldats français courir de toit en toit pour atteindre deux forts dont ils s’emparent. Le général Lannes et l’aide-de-camp Duroc avaient montré ce chemin aux braves. En même temps une autre division pénètre dans la ville. La garnison, composée de près de quatre mille hommes, refuse jusqu’à la fin de capituler. Elle est passée au fil de l'épée. Les habitans sont épargnés. Peu de jours après, Gaïiffa est emportée après un assaut.

L'armée s’avance sur Saint-Jean-d'Acre; c’est le dernier asile de Djezzar-Pacha. Le destin de l'Asie va se décider sous ses murs; deux armées quatre ou cinq fois supérieures à celles des assiégeans vont leur disputer les plaines et les montagnes de la Syrie. Bonaparte attend en vain l'artillerie de siége qui lui est nécessaire pour cette expédition, dont chaque jour lui montre les difficultés. Il aperçoit, de la part des assiégés , un art de défense inconnu aux barbares. Les batteries de la place sont servies par des Anglais. Le commodore Sydney-Smith est à leur tête. Un ingénieur distingué, l’émigré francais Phelippeaux, dirige les travaux, et développe de grandes ressources.

Une amitié, fondée sur la reconnaissance , et manifestée ävec une intrépidité héroïque , unissait Sydney-Smith et Phelippeaux. 1l y avait peu de temps que ce dernier avait arraché son ami de la prison du Temple à Paris. Doué d’un courage peut-être trop vanté de ses concitoyens, SydneySmith n'avait pas trouvé jusque-là des occasions favorables de l'exercer, C'était lui qui, au départ de la flotte anglaise de Toulon, avait été chargé de l'incendie de cette rade. Son nom était devenu par-là si odieux aux Français , que la destinée l’ayant fait depuis tomber entre leurs mains, dans une expédition qu’il dirigeait contre le Havre , on parla de lé traiter, non comme un ennemi prisonnier, mais comme un incendiaire. Il fut conduit au Temple, et gardé comme un prisonnier d'état. On crut cette rigueur autorisée par des missions que cet Anglais avait recherchées avec empres-