Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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le pont de Bellikon, couvert des plus formidables batteries ; est emporté. Bientôt après, on force le camp de Wettingen , où Korsakow s'était retiré, et où il avait cru arrêter lim étuosité des Français en formant un bataillon carré de quinze mille hommes. L’artillerie renverse, comme à Fontenoy, cette colonne. Les rangs sont éclaircis et ne peuvent se refermer. Les Russes se pressent les uns sur les autres : leur immobilité les laisse sans défense contre la baïonnette des soldats français. Enfin on les pousse jusque dans les faubourgs de Zurich : on les y poursuit. Déjà la ville est sommée de se rendre. Le commandant s’y refuse. La nuit s’avance : si elle suspend le combat, c’est pour le rendre encore plus terrible. Le lendemain, les Russes se rallient et rassemblent leurs bataillons derrière Zurich. Dès le premier crépuscule, l'action se rengage. Les Français ont dû le succès de la veille à leur discipline ; Massena permet tout aujourd’hui à leur impétuosité. Le prix de la gloire entre tous les braves est à qui entrera le premier dans Zurich. Le général Oudinot lobtient. Il fait enfoncer la porte de Bade. D’autres pénètrent d’un côté opposé: La ville est emportée. Les Russes sont poursuivis de rue en rue. Leur résistance rend plus acharnés les soldats français, que tous les chefs s'efforcent de contenir. Au milieu des horreurs inséparables de cette multitude de combats dans une ville prise d'assaut, peu d’habitans de Zurich perdirent la vie. Mais la fatalité la plus cruelle, ou l'aveugle férocité d’un soldat priva cette ville du pasteur le plus propre, par ses vertus, par son zèle ardent et par le feu de son imagination , à consoler la Suisse dans ses jours malheureux. Quand chaque habitant, glacé de terreur, se tenait renfermé dans sa maison, le célèbre Lavater sortit de la sienne, 1l regardait comme un devoir de son saint ministère de chercher à adoucir les vainqueurs, de sauver ou les citoyens, ou les guerriers qui pouvaient être menacés. Tout devait lui faire espérer le succès de cette courageuse mission : une figure imposante que la vieillesse avait rendue encore plus auguste, et qui annoncait les inspirations du génie, ajoutait à l’eflet de ses discours éloquens. Il était au milieu d’un groupe de vainqueurs et de vaincus; son bras s’étendait sur les derniers, comme pour les protéger; il offrait aux premiers quelques rafraîchissemens, lorsqu'un coup, porté par je ne sais quel barbare, priva l'humanité de ce pasteur vertueux. Toute l’armée gémit de ce malheur. Il ne paraît pas que la victoire ait été souillée par un grand nombre de meurtres de ce genre. Quel fut le désespoir de Suwarow en apprenant un désastre qu’il était si loin de prévoir! Au lieu de trouver une armée qui, depuis le commencement de la campagne, n'avait