Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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seule ce que le premier jour de cet ordre nouveau eut de dramatique et de piquant. Le second jour fut terrible, et mit pendant quelques heures les destinées de Bonaparte et celles de la France dans une fatale incertitude.

Le 18 brumaire, un mois après l’arrivée de Bonaparte à Paris , les membres du conseil des anciens s’assemblent à une heure où ils n'avaient pas coutume de commencer leurs travaux. Vingt ou trente d’entre eux ont arrêté leur plan dès la veille. [ls n’ont appelé que ceux de leurs cellégues dont les sentimens leur sont le mieux connus. Les députés Cornet et Régnier prononcent des discours qui préparent les esprits à une attente solennelle. Ils peignent les maux de la patrie ; ils exagèrent l’imminence de ses périls ; parlent de complots nouveaux qu’un seul jour, que cette heure seule peut prévenir. Ils prononcent le nom de Bo-

‘naparte. Un vif rayon d’espoir luit à travers l’obscurité calculée de leurs discours. Ils proposent une mesure dont ils ne développent pas les motifs. On l'écoute avec étonnement; on l’adopte avec confiance. Elle consiste à transférer le corps législatif à Saint-Cloud, et à donner au général Bonaparte le commandement des troupes de Paris. Ce décret est à peine rendu , que déjà Bonaparte se présente à la barre du conseil. Il est accompagné de plusieurs des généraux qui se sont distingués sous lui, tels que Murat, Lannes, Berthier, Serrurier , Andréossi, Marmont , et d’autres qui ont commandé avec éclat d’autres armées ; tels que Moreau, Macdonald et Lefebvre. Bonaparte prépare les esprits à de plus grands résultats que ceux qui avaient été annoncés par les orateurs du conseil. Il menace quiconque voudrait le traverser, et présente à l'imagination un long avenir d'ordre et de gloire: Qu'on ne cherche pas , s'écrie-t-il, qu’on ne cherche pas dans le passé des exemples qui pourraient retarder votre marche ; rien dans l'histoire ne ressemble à la fin du dix-huitième siècle, et rien dans fin du dix-huiième siècle ne ressembla au moment actuel. Un'ordre militaire s'organise à Paris, et le général Lefevre en a, sous le commandement de Bonaparte, la principale direction. Les soldats saluent par mille transports de joie Bonaparte et ses compagnons d'armes. Les membres du conseil des cinqcents sont étonnés de traverser leurs rangs pour se rendre à leur poste. La crainte abat les uns ; l'espoir enflamme les autres, mais sans Les rendre indiscrets. Quelques paroles d'opposition expirent devant l'appareil nouveau qui frappe leurs regards, et devant le nom de Bonaparte, plus imposant encore. Les députés démocrates se séparent, mais vont s’assembler ailleurs. Ils cherchent à se persuader qu’ils n’ont été étourdis que d’étonnement, et non pas de crainte. Paris,