Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

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ue le décret du jour semble menacer de perdre le corpslégislatif, se livre pourtant à une vive espérance. Voilà depuis long-temps le seul mouvement que l’alégresse publique sanctionne.

Que faisaient cependant les directeurs, dont ce jour terminait la puissance ? Deux d’entre eux , Sieyes et Roger-Ducos, s'étaient, dès le point du jour, échappés du directoire , et s'étaient rendus à la commission qui, au conseil des anciens, dirigeait toutes les mesures. Le premier était parti à cheval. Son collégue Barras, déjà éveillé, mais pourtant exempt d’'inquiétude , l'avait vu passer, et s’était fait un sujet de gaîté de l'allure de cet écuyer novice. Il prolongeait encore cette plaisanterie, qui relevait son incontestable supériorité dans ce genre d'exercice, lorsque Bonaparte le fit avertir officieusement, non pas seulement de son projet, mais de l’entière exécution qu’il avait reçue. Il lui faisait représenter les périls auxquels l’exposerait ane résistance destituée de tout appui, et lui demandait sa démission. Il la donna, après avoir un peu hésité, et se rendit à sa terre de Grosbois avec une escorte que le général lui avait accordée. La conduite des deux autres directeurs, Moulins et Gohier , n’offrit rien de ce qui pouvait

rallier avec force le parti menacé. La garde directoriale était venue se ranger sous les ordres de Bonaparte.

Rien n’avait été encore annoncé de l’ordre nouveau qu'on se proposait d'établir : qui se chargerait de proclamer la fin d’une constitution qui, depuis deux ans , cédait à toutes les violences qu’on voulait lui faire , mais pour laquelle on affectait un respect dérisoire chaque fois qu'on la couvrait d’un opprobre réel? Les mouvemens les plus impétueux de la révolution n’avaient pas encore habitué à franchir toutes les limites dans une seule journée ; celui-ei était calme et laissait plus de prise à l’irrésolution des esprits. L'appareil militaire fut déployé , dès le lendemain 19, autour du château de Saint: Cloud , où les membres des deux conseils avaient été convoqués. On n’en avait exclus aucun de ceux dont l'opposition était le plus à craindre. C’étaient , pour la plupart des hommes qui, par l’ardeur de leur ame, l’âpreté de leur haîne révolutionnaire , et l’irréflexion de leur esprit, s'étaient enivrés de démocratie ; qui pouvaient supporter toute tyrannie sous des formes populaires, et n’eussent vu qu’une tyrannie dans le pouvoir mêmé d’un Washington. La plupart d’entre eux, élus depuis un ou deux ans, formés dans des clubs subalternes ;, commencaient leur rôle , et n'avaient pas été initiés aux profonds mystères du machiavélisme républicain. Leur demisavoir , leur bonne foi, leur fanatisme, les faisaient trop ressembler au peuple pour qu’ils prissent de l'ascendant sur lui. Leurs noms n'étaient point encore fameux ; une heureuse des: