Précis de l'histoire de la révolution française. T. 1-3

APPENDICE, 243

de former une grande nation, et bien qu'ils dussent redouter de confier leur liberté à un homme qui s’avancait, la tête haute, au despotisme , ils se laissèrent éblouir par sa gloire, tromper par ses promesses et subjuguer par la force de sa volonté.

es autres républiques nouvellement fondées sur les frontières de la France, s’agitaient pour fixer leurs constitutions. Vers la même époque l’heureux dictateur concluait avec l'Angleterre la paix passagère d'Amiens ; il gagnait le clergé ets’entourait de toute la puissance religieuse en négociant avec le pape le concordat quele corps-législatifratifia au mois d’avril; il abolissait enfin la liste des émigrés. Il prétendit alors prescrire à la nation la mesure de sa reconnaissance ; on lui fit entendre qu’elle ne pouvait pas faire moins que de lui décerper une magistrature perpétuelle ; et le sénat, soit qu’il crut arrêter ses prétentions, soit qu’il espérât le contenter, lui offrit la prolongation du consulat pour dix ans après l’expiration du premier terme de cette dignité.

Bonaparte avait assez de pudeur ou assez d’adresse pour demanderce qu’il tenait entre les mains; il affecta de ne vouloir rien que du peuple : la question du consulat à vie fut proposée comme l'avait été celle du consulat, et les votes furent recueillis de la même manière. Le 2 août, le sénat, au nom du peuple, proclama Napoléon Bonaparte, consul à vie, avec droit de se choisir un successeur. Montesquieu a dit que le principe du gouvernement monarchique est l’honneur; on S’est élevé contre cette proposition; quoi qu’il en soit, Bonaparte, qui méditait une monarchie, sût en tirer parti. Il institua unordre pour le mérite civilet militaire, et un peu après, en janvier 1803 , il imagina de créer des sénatoreries.Ce n’est qu'avec des signes, des titres et de l’argent que l’on conduit les hommes.

On a écrit, on a répété, qu’en cette même année, il fit demander aux princes français de lui transporter leurs droits au trône, et que leur refus les tint quelque temps exposés aux pièges de ses agens. Cette anecdote est encore plus dénuée de vraisemblance que de vérité. Bonaparte, qui avait reçu ses droits du peuple et avait à cœur de les faire reconnaître à l'Europe, aurait-il voulu renoncer à cette Æégitimilé en reconnaissant la Zgitimité des Bourbons? Et cette démarche qui lui aurait nui dans l'esprit des gens attachés à la révolution par intérêt ou par système, pouvait-elle s’accorder avec l’inflexibilité de son caractère et la hauteur de son orgueil ?

L'année 1803 vit finir la paix d'Amiens, frêle ouvrage d’une politique amie de la discorde. Pendant que le général Mortier s'emparait du Hanovre, Bonaparte, en personne, menacçait l'Angleterre elle-même d’une descente semblable à celle de