Rapport sur les Dommages de Guerre causés à la Serbie et au Monténégro présenté à la Commission des Réparations des Dommages

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VI. Pertes subies lors de l'évacuation et dues à la situation géographique

et au mauvais état des voies de communication.

L'armée serbe n’a pas pu résister aux attaques combinées des Allemands, des Austro-Hongrois et des Bulgares. L'entrée en guerre de la Bulgarie a prolongé le front de bataille dans trois directions géographiques. Les Bulgares réussirent rapidement à atteindre la ligne de Salonique, coupant ainsi le pays entier et son armée du reste du monde. L’armée se trouva dans l’alternative de capituler ou de chercher à se frayer un passage vers l’Adriatique à travers les montagnes d’Albanie. Quoique cette seule issue présentât des difficultés qui paraissaient insurmontables, elle fut adoptée, et c’est ainsi que cette armée, suivie d’un nombre considérable de civils fuyant les horreurs de l'invasion bulgare, s’engagea dans des montagnes inhospitalières. 200.000 personnes environ y périrent dans les gouffres, au fond des torrents, sur les rochers glacés ‘et dans les marais profonds.

Cette retraite de la population et de l’armée serbes restera un souvenir que les générations se raconteront longtemps encore après que bien des épisodes de cette guerre auront été oubliés. La Serbie y a laissé presque 10 % de sa population et elle a dû brûler en se retirant toutes les richesses qui auraient pu servir à l'ennemi et que l’on ne pouvait transporter à travers ces montagnes.

L'armée serbe était suivie de 500.000 civils qui avaient emporté avec eux tout ce qui leur avait paru être le plus précieux. Par suite de l'interruption des communications sur la ligne de Salonique ligne sur laquelle on avait tant compté — l'évacuation des dites richesses était devenue impossible à travers l’Albanie où même le transport de la nourriture ne pouvait se faire. Les réfugiés exténués de fatigue, tombaient et mouraient. Les objets précieux abandonnés par eux furent ramassés par les habitants du pays. Beaucoup de ces réfugiés qui ne pouvaient suivre le gros de la population en retraite, furent surpris par les soldats ennemis le long des routes, à la lisière des forêts, dans une maison abandonnée, dans une écurie. Et Je premier acte de l’ennemi en quête de pillage était de dépouiller ces malheureux de tout ce qu'ils pouvaient avoir de précieux.

C’est ainsi que, au cours de cette retraite, plus d’un milliard de francs ont été perdus pour l'État serbe et sa population.