Serbes, Croates et Bulgares : études historiques, politiques et littéraires

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reviendras dans ton pays avec une veste galonnée d’or et des chaines d'argent à ton hanzar.

Et alors, Ô Dimitri, quelle jeune fille ne s’empressera pas de t’appeler de sa fenètre et de te jeter son bouquet, quand tu auras accordé ta guzla ? Monte avec moi, croismoi, et viens à la grande ville, tu y deviendras riche assurément.

Je l’ai cru, insensé que j’étais, et je suis venu dans ce grand navire de pierres ; mais l'air m'étouffe et leur pain est un poison pour moi ; je ne puis faire ce que je veux ; je suis chien à l’attache.

comme un

Les femmes se rient de moi quand je parle la langue de mon pays, et ici les gens de nos montagnes ont oublié la leur aussi bien que nos vieilles coutumes ; je suis un

SERBES, CROATES ET BULGARES

verront chez toi ! À ton retour, un galon d’or brillera sur ta kurtka!, et ton sabre ture pendra sur un cordon d'argent.

« Quand tu paraîtras dans lehameau,lesfemmessur ton passage se presseront aux fenêtres ; et, quand tu t’arréteras en chantant sous les fenètres, elles te jetteront des bouquets dans le tchapka. Viens, viens, Dimitri, nous monterons dans le vaisseau de pierre, nous nous ferons citadins et nous serons riches. »

Insensé, je me laissai persuader, je quittai ma patrie, moi montagnard, et je monlai sur ce vaisseau de pierre qu'on appelle Venise. [ei je sens le poison dans le pain quotidien, je cherche en vain la fraicheur dans l’air envenimé. Plus de pensée rieuse, plus de liberté; je meurs garotté comme un dogue à la chaine.

Quand je conte mes soucis aux jeunes filles, les petites

sé-

folles rient de mon accent étranger. lei même, les montagnards, mes compatriotes, ont adopté une nouvelle lan-

1. Kurtka, mot polonais ; vêtement court, du latin Curtus.