Trois amies de Chateaubriand

TROIS AMIES DE CHATEAUBRIAND 93)

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Son imagination?

Il est remarquable que Chateaubriand n’ait pas laissé un seul ouvrage dont il eût absolument inventé la substance. Les Mémoires d'outre-tombe, la matière lui en était fournie par son existence même; et, sans doute, cette existence est bien de lui : elle est de lui et des événements. Le Voyage d'Amérique? Comme il n’a guère accompli, de ce fameux voyage, qu’une toute petite partie, on serait tenté de mettre tout le reste à l'actif de ses facultés inventives : mais le Voyage d A mérique est, surtout, un habile arrangement et comme une sorte de malin plagiat. Le Génie du Christianisme, de même que l Essai sur les révolutions, a recu l’aide perpétuelle des livres. Quant à l’Jtinéraire de Paris à Jérusalem, les éléments lui en étaient fournis et par des livres, et par des paysages, et par des souvenirs.

Il reste — avec les opuscules de politique et de polémique qui n’ont pas trait à mon propos — Aiala, René, Les Martyrs, et Le Dernier Abencerage, Chacun de ces romans, si lon cherche à le résumer, le résumé tient en vingt lignes. Et l’on voit alors que,

_ réduite à elle-même, l'imagination de Chateaubriand n'invente pas beaucoup d'incidents, I? argument d'Atala, de René, des Mariyrs, du Dernier Abencerage, n’est presque rien. Alors, considérons Chateaubriand comme le contraire exact d’un Alexandre Dumas père.