Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt

SOUS LE CONSULAT. 435

salle du jury. Ces bains, situés près le pont Royal, sont loin de justifier maintenant leur ancienne réputation : ils sont à tous égards moins bien tenus que les Bains chinois du boulevard, où l’on peut déjeuner confortablement et se faire servir des rafraïchissements de bonne qualité. Comme la soirée était radieuse, j’ai diné dans un restaurant des Champs-Élysées. Il y avait encore une foule de joueurs de ballon, de boules, de volants; mon assez bon repas m'a coûté quatre livres.

Après un séjour à Feydeau, où Mme de Saint-Aubin jouait, avec son talent habituel, dans une petite pièce, nouvelle pour moi, qui a pour titre : Ambroise (c’est l'histoire d’un domestique vertueux), le reste de ma soirée s’est passé chez le banquier Schérer, On a fait de la musique, et j'ai eu une surprise des plus agréables en faisant la connaissance de Mme Barbier (1), femme d’un peintre, qui a chanté des scènes et des airs italiens tout à fait «comme il faut », d’une belle voix pleine, parfaitement exercée. Quel dommage de n’avoir pas connu plus tôt cette cantatrice ! Elle aurait pu chanter les scènes que j'ai écrites pour la Marat, la Todi, la Marchetti (2); j'aurais été enchanté de faire entendre au public français, avec

-une telle interprète, des œuvres que les autres cantatrices parisiennes sont incapables de rendre convenable-

grandes girouettes, mais quand on a vécu longtemps avec les naïades de la Seine, on peut bien faire ainsi le Protée.

(1) Mme Barbier de Valbonne est nommée dans le rarissime Dictionnaire néologique du Cousin Jacques (Paris, an VII, 2° vol.), mis au pilon par Fouché : « Musicienne célèbre, est-il dit, qui chante dans les concerts avec Garat et qui peut fort bien aussi chanter sans Garat. Elle joint au charme de la figure un ton décent et de la modestie. » Son mari, peintre, s’occupait surtout de vente de tableaux; deux fils se sont distingués comme musiciens.

(2) La Marchetto Fantozzi, cantatrice napolitaine, venue de SanCarlo à l'Opéra de Berlin, en 1796,