Un hiver à Paris sous le Consulat (1802-1803) d'après les lettres de J.-F. Reichardt
XXXIX
26 mars 1803.
Avant-hier, à la dernière grande assemblée de la saison, chez le consul Cambacérès, j'ai trouvé dans la foule Alexandre Lameth en costume de préfet (1). Je ne l'avais pas revu depuis qu'il est venu nous visiter à Giebichenstein, pendant son émigration. De tous les anciens émigrés de ma connaissance que je retrouve ici, c’est Le premier qui m'ait témoigné une satisfaction sincère en me revoyant. Tous les autres, du plus humble au plus notable, semblent fuir, comme compromettants, les étrangers qui ont pu les obliger. Je suis évidemment à leurs yeux le témoin fâcheux d’un passé pénible, et l’on m'accueille avec des mines froides et préoccupées d’égoïstes inquiets. Il était plaisant dans cette réunion d'observer l'attitude des diplomates vis-à-vis de lord Withworth : leurs salutations faites, ils le fuyaient comme un pestiféré, et l'Anglais ne trouvait personne à qui parler. Il paraït qu'il en a été de même à un grand bal qui s’est donné en ville, après « l’asséemblée » consulaire, toujours terminée à onze
(4) Ex-constituant, depuis quelque mois préfet des Basses-Alpes. . Il avait habité Hambourg pendant l’'émigration et avait fondé dans cette ville une maison de commerce avec son frère Charles et le duc d’Aiguillon. |