Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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pour leurs pêchers et leurs jardiniers ont resté à leurs choux et leurs laitues. Mais des accueils si favorables ne m'ont point fait oublier ma belle plantation d’Ettlingen. Je suis venu aussitôt que jai pu et je serai toujours prêt à y donner mes soins absolument nécessaires. Si on ne veut pas la perdre, ce qui serait une perte irréparable, car on ne rassemblera plus jamais la nombreuse collection de ce qu’il y a de meilleur en fruits, dont les deux planteurs de choux qui sont là, ne savent seulement pas les noms. La collection de cerises n’existe nulle part. Il y a une plantation de suite de poires qui se succèdent depuis le commencement de juillet jusqu’en novembre; ils ne me sauraient en nommer une. Les autres poires d'hiver sont distribuées dans d’autres allées; j'avais 500 paradis, dont 200 en place, les autres en pépinière, pour finir ma plantation. On en a arraché une partie pour y mettre des choux et des pommes de terre. On en a mis une autre partie contre des murs que j'avais fait construire pour y mettre des pêchers. Il faut être de la dernière stupidité pour mettre des paradis contre des murs.

« Madame la comtesse ignore peut-être ce que c’est que des paradis. C’est un petit pommier nain, sur lequel on greffe toutes les espèces de pommes, qui viennent d'une beauté surprenante, rapportant constamment et dont les arbustes restent toujours petits. On en plante à Paris des milliers, on le connaît peu en Allemagne.

« Ma petite brochure a fait ici la même sensation qu'à Paris. Tous les propriétaires curieux de leurs jardins viennent me visiter et me dire qu’ils sont misérables, qu’ils voient mutiler leurs arbres et qu’il n‘y à pas un homme ici qui ne les abîme, que je devrais bien former une école, ce qui ne peut se faire ici, mais ce qui serait praticable à Ettlingen, où il y à mille toises de beaux murs pour les pêchers et abricotiers et un grand emplacement pour placer trois mille arbres nécessaires à une grande instruction, et où on pourrait former des sujets