Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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« Madame la comtesse,

« J'avais écrit à Lavigne, il y a quelque temps, pour rendre service à Wild, auquel il est dû ici deux mille éeus, et dont je me suis chargé de procurer la rentrée. Je priais Lavigne de me faire passer ses titres afin que l’huissier puisse agir à cet effet. Au lieu de la juste reconnaissance qu'il me devrait, il va se plaindre que je veux lui donner des ordres, parce que, écrivant pour cet objet, je m’informais du jardin et que j'annonçais que, s’il m'était permis, j'irais après Pâques faire la taille des pêchers.

« Vous avez dû voir par ma lettre deux choses; la première que je ne suis occupé de rien autre que de faire des plantations d'arbres fruitiers et de leur culture; la deuxième, tout l'intérêt que je prends à cette belle plantation d’Ettlingen, qui m'a coûté tant de travaux et qui renferme une collection d'arbres fruitiers qui n’existe nulle part. Je ne puis voir l’état de dégradation et de dépérissement où elle est aujourd’hui sans être vivement affligé et quand j'y pense, cela me fait saigner le cœur.

« Lorsque j'ai dit que je pourrais aller à Ettlingen après Pâques, je supposais : 1° qu’on ne veut pas absolument laisser perdre cette belle plantation; 2° qu’on désirerait que j’y fusse pour la sauver de sa destruction. C’est pourquoi j'avais écrit à M. le baron d’Edelsheim, pour demander les ordres de Mgr. le margrave à cet effet, ne voulant certainement rien faire qui pût ne pas lui convenir.

« Quand je parle de la dégradation de cette plantation, en voici la preuve J'avais laissé 200 pêchers en bon état. Je suis arrivé à Ettlingen, le 14 mai de l’an passé; j'en ai trouvé plus de la moitié de péri; tous les autres, auxquels on n'avait pas touché depuis deux ans, pendaient par lambeaux par terre. Une telle vue m'a serré le cœur et je me suis mis à l’ouvrage en gémissant, mais auparavant il a fallu faucher sur toutes les plates-bandes pour pouvoir aborder les arbres. J'ai été