Charles de Butré 1724-1805 : un physiocrate tourangeau en Alsace et dans le margraviat de Bade : d'après ses papiers inedits avec de nombreux extraits de sa correspondence...

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respondantes de Butré, c’est Me veuve Balthasar,! qui possédait une campagne à la Robertsau et demeurait à Strasbourg dans la maison Wachter, au quai de l'Esprit, le quai SaintThomas actuel. C'était, à en juger par ses lettres, une personne aussi bonne que spirituelle, et dont les attentions délicates pour Butré ont été comme un dernier rayon de soleil à l'horizon décoloré de son extrême vieillesse. Elle lVappelait chez elle, non seulement pour tailler ses arbres fruitiers, mais pour causer avec lui, comme on ne causait plus guère alors; elle lui écrivait des compliments bien tournés, auxquels le vieillard était fort sensible, le « félicitant de la noblesse et de la chaleur de son âme », l’encourageant «à frapper l'ignorance avec la massue d’Hercule », mais n’oubliant pas non plus le corps du valétudinaire et lui faisant des envois de chocolat pour qu’il put fortifier son estomac délabré.

Butré avait espéré gagner encore quelque argent en faisant faire une nouvelle édition de sa Taille des arbres fruitiers. I apprit à ce moment qu'un libraire du quai des GrandsAugustins, nommé Marchant, en préparait une réimpression sans son aveu, et lui écrivit pour réclamer contre cette piraterie littéraire. L’autre lui répondit sur un ton fort dégagé, déclarant qu’il avait eru que l’auteur n’était plus de ce monde; que d’ailleurs on avait fait tant de contrefaçons de sa brochure, qu’elle était dans toutes les boutiques et se vendait couramment six sols. Marchant finissait par offrir à l’auteur trois cents francs, à payer en trois fois, pour acquérir tous les droits d'auteur.

M°° «veuve T. Balthasar» (c’est ainsi qu’elle signe ses lettres) était probablement parente, peut-être la veuve d’un officier général en garnison à Strasbourg, le maréchal de camp, M. de Balthasar, qui y commandait une partie des troupes dès juin 1791 (Procès-verbaux du Conseil de la Commune, II, p. 269) et qui figure sur la liste des émigrés, publiée le 3 août 1792 par le Directoire du district de Strasbourg. Nous ne pouvons malheureusement fournir aucun renseignement supplémentaire sur cette femme distinguée.