Du role des légistes dans la Révolution : discours prononcé à l'audience solennelle de rentrée la 3 novembre 1880

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De simples officiers de justice, de modestes avocats élus à la Constituante, dans le sein du Tiers-État, allaient achever l'œuvre de la destruction commencée par les philosophes du XVIII: siècle et devenir les organes autorisés de ceux dont ils avaient partagé les souffrances et dont ils avaient dicté les revendications. « Tout leur horizon, a écrit un homme dont le nom jette un vif éclat dans l’une de nos assemblées politiques « était borné par les tours seigneu« riales. Ils ne connaissaient dans le monde que ce qu'ils voyaient autour d'eux. Cette terre, qu'ils « aimaient tant, n'était-elle pas chargèe de mille servi« tudes? Ces récoltes, mouillées de tant de sueurs, « restaient-elles entières? N'étaient-elles pas foulées « aux pieds de tout temps par le seigneur qui chas« sait et par sa meute? Pour moudre le grain, pour « cuire le pain, avaient-ils leur moulin et leur four? « Les corvées et les impôts n'étaient-ils pas arbi« traires ? » (1)

La grande masse rurale s’adressa donc aux hommes qu'elle approchait de plus près : aux avocais, aux magistrats inférieurs.

A ce moment les Parlements, qui apparurent si longtemps comme les défenseurs des libertés et des franchises de la nation, n’eurent pas sur l'opinion publique l'influence décisive que leur glorieux passé permettait d'attendre. Sans doute le Parlement de Paris sut résister avec fermeté et avec courage à l'enregistrement de l'édit royal augmentant l'impôt du timbre; sans doute il supplia le Roi de retirer sa déclaration, et il exprima le vœu de voir la « nation assemblée » avant d'augmenter du poids d’un nouvel impôt le fardeau des impôts

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(1) V. Bardoux. — Les légistes. — Pages 234-295.