Du role des légistes dans la Révolution : discours prononcé à l'audience solennelle de rentrée la 3 novembre 1880
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déjà existants (1). Sans doute encore les Parlements de province approuvèrent la résistance de la Grand'Chambre de Paris. Mais les temps avaient changé et la direction des esprits ne pouvait pas appartenir à ces Compagnies si illustres ; leur autorité ne suffisait plus à régler le mouvement général et irrésistible qui portait la nation à réclamer des droits nouveaux que les Parlements ne comprenaient pas et à la consécration desquels ils répugnaient.
Le Tiers-État voulait la liberté démocratique et l'égalité civile.
Il voulait celle-ci avant toute chose. Les impôts écrasaient la nation ; les priviléges de la noblesse et du clergé lui étaient odieux. Les avocats de province, la magistrature inférieure traduisirent publiquement ces doléances si justes et si touchantes. Ils s'insurgèrent contre un passé abhorré qui ne leur représentait que l’'abaissement et la servitude; ils demandèrent le renversement de l'édifice ancien et vermoulu et la construction d’un édifice nouveau et résistant. Ils firent remarquer avec raison que le progrès de la législation n'avait pas suivi le progrès des mœurs ; que les idées des philosophes de ce grand XVIII siècle mavaient pénétré qu'avec peine dans le domaine législatif; que la torture existait encore en 1783 et que l'incapacité civile des protestants venait à peine de cesser.
Les légistes devaient donc assurer le triomphe de ces revendications et satisfaire des besoins impérieux. Ils y consacrèrent tous leurs efforts, leur raison supérieure, leur activité dévorante et ils furent, sur cette partie de leur programme, aussi fermes qu’ils parurent indécis et vagues dans leurs conceptions politiques.
(1) V. mém. de Bachaumont, t. 25, page 394.