Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

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vincible protestation de la conscience humaine; ils ont devancé l’histoire et vengé la France.

Et nous, Bordelais, soyons fiers. C'étaient les députés de notre pays, ces hommes en l'âme desquels semblait s'être réfugié, en ces temps de deuil, le sentiment de la justice et de l'honneur.

Parmi ces hommes, le plus courageux, le plus éloquent, le plus héroïque, le plus sublime, ce fut Vergniaud.

Que ne puis-je, Messieurs, m'arrêtant à ce moment de sa vie et de sa carrière, vous le montrer tout entier, dans sa majesté antique, pour vous le faire aimer et admirer comme je l'aime et l'admire ! C’est là, là surtout, qu'il me paraît grand et beau, digne de tous les respects de l’histoire et de toute la reconnaissance de la postérité : en face de cet être immonde dont le nom seul souille la bouche, auquel il eut un jour le malheur de succéder à la tribune, et qu’il nous a dépeint lui-même, « tout dégouttant de calomnies, de fiel et de sang ; >» — en face de ce Danton, qui. sans être incapable de tout mouvement généreux, porte néanmoius au front le signe du maudit, commeil porte aux mains l’meffaçable tache du sang de Septembre ; — en face de ce Robespierre enfin, donton voudra faire un dieu, sans doute parce qu'il n'eut jamais rien d’humain dans le cœur, qui ne connaît de passions que la soif du pouvoir et la haine de quiconque lui est un obstacle, pour qui la guillotine est un jeu et la terreur un triomphe ; — c’est là, luttant contre tous, dominant toutes les clameurs, dédaignant toutes les injures, bravant tous les poignards, c'est là qu'il me paraît plus qu'un homme, et qu'à mes yeux il personnifie la vertu même, et réhabilite l'humanité déshonorée !

Les démagogues, qui avaient fait décréter le maximum, réclamaient depuis longtemps la création d’un tribunal révolutionnaire, chargé de punir les traîtres : la Commune l'exigeait, la Convention ne pouvait s’y refuser. « Ce tribunal, dit Robert Lindet en présentant le décret, composé