Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

ET

rait la perte de la liberté. Jurons donc de rester fermes à notre devoir, et de mourir tous à notre poste plutôt que d'abandonner la chose publique! » C'est dans le même esprit, et pour faire rentrer le peuple dans l’obéissance, qu'il propose de décréter que Paris a bien mérité de la patrie. Cependant les députations se succèdent, toutes réclamant l'expulsion des Vingt-Deux ; bientôt l’Assemblée se trouve envahie. Vergniaud demande que la Convention se réunisse à la force armée qui l'entoure pour y chercher protection contre la violence qu'elle subit. Il sort à ces mots, suivi de ses collègues du côté droit; ils rentrent bientôt, accablés du sentiment de leur impuissance. Mais déjà Robespierre s’est élancé à la tribune. « Je n'occuperai point l’Assemblée, dit-il, de la fuite ou du retour de ceux qui ont déserté ses séances. » Et le courageux tribun, entouré de ses complices, et sûr, cette fois, du triomphe, se répand en déclamations haineuses contre ces hommes dont mille cris réclament la mort (1).

Vergniaud garda le silence, non pointfoudroyé (2), comme on l'a dit avec quelque complaisance, par la terrible apostrophe de Robespierre : il connaissait cette foudre, et avait appris à en braver les éclats. Mais la Plaine vaincue par la terreur, la Convention dominée par les factieux, docile à exécuter leurs ordres, empressée à prévenir leurs désirs, l'émeute triomphante et légalisée, il vit ce spectacle, plus formidable, à coup sûr, que l’éloquence de Robespierre : ilne pouvait sauver la France, et, quant à sa propre vie, elle ne lui paraissait pas valoir l'humiliation de lutter en vain pour la défendre. ;

Robespierre lui-même l'avait dit, et, sans le vouloir, il avait dit vrai : « Ce jour était le dernier où le patriotisme devait combattre la tyrannie (3). »

(4) Séance du 51 mai 1795, (Moniteur des 2 et 5 juin. @) M. E. Hamel, Histoire de Robespierre, . 1, p. 71 (3) Séance du 51 mai 1795.

) Le