Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

LL. —

La Convention avait décrété d'accusation vingt-deux de ses membres ; mais elle leur avait donné leur demeure pour prison. Vergniaud eût pu fuir, — il fut accusé de l'avoir tenté, — il n'y songea pas. D’autres allèrent essayer d'organiser la résistance dans les départements : Vergniaud avait entrevu l'échafaud ; il crut son sacrifice utile, il l’accepta. Seul le sort de son pays pouvait l'émouvoir ; c'était pour lui épargner, à cette chère et malheureuse patrie, de nouvelles horreurs, qu'avant même le 31 mai, il avait adressé, sous le couteau, son appel aux citoyens de Bordeaux : « Hé! quoi ! disait-il, n’aurons-nous tant travaillé depuis quatre ans, tant fait de sacrifices, supporté tant d'iniquités, la France n’aura-t-elle versé tant de sang, que pour devenir la proie de quelques brigands, pour courber le front sous la plus tortueuse tyrannie qui ait jamais opprimé aucun peuple ? (1) » :

Ce sera, Messieurs, l'éternel honneur de Bordeaux d'avoir entendu et compris cette grande voix. Si la noble victime qui criait vengeance, si les autres proscrits ne purent être sauvés, nos pères se montrèrent du moins, par leur résistance courageuse, dignes de ceux qui mouraient pour eux. Ils les expieront cruellement, ces généreux, mais impuissants efforts : Bordeaux aura aussi ses proscriptions, ses supplices, sa terreur; et un misérable, digne émule des bourreaux parisiens, fera couler sur l’échafaud le plus pur de son sang ! (2) »

Du fond d’une prison, comme naguère du haut de la tribune, l’éloquence de Vergniaud poursuivait et défait encore les hommes sinistres qui préparaient son supplice.

_«Lâches, écrivait-il aux membres du Comité de salut

(1) 5 mai 1795. — Vatel, t. II, p. 452. @) V. le discours prononcé le 5 novembre 4865, à l'audience de rentrée de la Cour de Bordeaux, par M. Fabre de la Bénodière, alors substitut du Procu-#e.général, la Justice révolutionnaire à Bordeaux, Lacombe et la commisLS hi Mtqire. 4 ee KZ