Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875
5 public, je vous dénonce à la France comme des imposteurs et des assassins... Ma vie peut être en votre puissance, mais mon cœur est prêt : il brave le fer des assassins et celui des bourreaux. Ma mort serait le dernier crime de nos modernes décemvirs. Loin de lacraindre, je la souhaite : bientôt le peuple, éclairé par elle, se délivrerait enfin de leur horrible tyrannie. » Son petit-neveu vint le voir dans sa prison : « Hé bien! Francis, lui dit-il, veut-on aussi me faire mourir à ta pension? (1) » Puis il écrivit à sa famille : « Malgré les persécutions, je me porte bien. Il est glorieux de souffrir pour son pays et pour la liberté. Je ne suis inquiet que pour la chose publique : puissent mes persécuteurs la sauver! Je leur pardonne tout le mal qu'ils me font. Adieu, mon frère, embrassez ma sœur, les enfants et l'oncle; je vous embrasse vous-même de tout mon cœur (2). »
Pourtant les prisonniers étaient pleins d'illusions : ils tressaillirent d'espérance, à la nouvelle du crime héroïque de Charlotte Corday. « Elle nous tue, leur dit Vergniaud moins aveugle, mais elle nous apprend, du moins, à mourir. »
Que vous dirai-je du procès des Girondins? « Il n'y eut aucune hypocrisie dans ce procès : tout le monde vit de suite qu'il ne s'agissait que de tuer (3).» Vergniaud, pour complaire à ses amis, avait préparé une défense dont il prévoyait l'inutilité (4). Il accepta même, lui, le grand
(4) L'enfant était élevé dans l'établissement du fougueux démagogue, Léonard Bourdon. -
(2) Vatel, t. 1, p. 168, n° 148.
(3) Michelet, Histoire de la Révolution Française, t. VI, p. 358.
(4) Nous ne voulons relever, dans les notes informes, mais pourtant trèscomplètes, qui composent ce projet de défense, que les lignes suivantes, où nous voyons éclater cette soif d’immolation généreuse qui a foujours été la vertu de Vergniaud : « S'il faut le sang d’un Girondin, que le mien suffise… Ns pourront (il parle de ses amis, principalement de Ducos et de Fonfrède) réparer par leurs talents et leurs services, etc... D'ailleurs, ils sont époux et pères. Quant à moi, élevé dans l'infortune, ma mort ne fera pas un malheuEUX. »