Éloge de Vergniaud : discours de rentrée prononcé à l'ouverture des conférences de l'ordre des avocats de Bordeaux, le 4 janvier 1875

mu por supplice : tandis «que les autres mouraient, lui s'évanouissait dans l'enthousiasme (1). » Mais l'heure fatale a sonné, et le bourreau accomplit son œuvre... C'en est fait, tout est consommé... Applaudis, à grand peuple! réjouis-toi et entonne des chants de triomphe! ton plus sincère ami, ton plus courageux défenseur à vécu !

. De ce jour, Messieurs, voyez quelle continuité, J'oserai presque dire quelle orgie de supplices ! Ah! oui, la- mort des Girondins était nécessaire au triomphe sanglant des maîtres de la France! C'est Marie-Antoinette (2), une femme ! une reine! torturée à la fois comme reine et comme femme ! Marie-Antoinette, « qui put et dut commettre bien des fautes, mais qui ceignit la couronne d’épines, épuisa tous les calices, et porta sa croix jusqu'au martyre (3); » c'est Madame Élisabeth, l'ange gardien de la famille royale, impatiente, sa tâche remplie, de regagner le ciel ; et, à côté de ces deux femmes, c'est Madame Roland, la fille du peuple, devenue grande aussi par son génie et par son âme: Madame Roland, qui les jalousa, qui réêva d'être leur égale, et le devint... sur l'échafaud: qui sut, du moins, y mourir digne des Girondins qu’elle a aimés et inspirés, et sembla vouloir y lutter encore d’héroïsme et de grandeur avec ses royales ennemies. À la suite de ces touchantes victimes, c'est Baïlly, le premier maire de Paris, qui traverse, accablé des plus cruels outrages, cette ville dont il a été l’idole : c’est Houchard, le vainqueur d'Hondschoote : c'est Lavoisier, le père de la chimie moderne, car ces Français ne pardonnent à aucune des gloires de la France; — c’est Barnave, qui à fait pâlir un jour la gloire de Mirabeau; c’est le vieux Malesherbes, qui à, un des

(1) Lamartine, Girondins, livre XLVIIT, $ xx1v.

(2) Nous avons à peine besoin de faire observer que Marie-Antoinette et Mme Élisabeth furent exécutées avant le supplice et pendant la captivité des Girondins.

:3) Sainte-Beuve, Nouveaux Lundis, tome VII, Marie-Antoinette.