Étude sur les idées politiques de Mirabeau

LES IDÉES POLITIQUES DE MIRABEAU. 419

du pays, d’une grande initiative dans la confection des lois, assez soutenus par le monarque pour avoir le temps d'exposer et même d'exécuter leur programme, mais personnellement responsables de leur conduite devant la nation, de sorte que cette responsabilité ne saurait être affrontée que par les hommes à la fois les plus honnêtes et les plus habiles.

En face de ce pouvoir exécutif très fort s'élève un pouvoir législatif non moins respectable. C'est l'Assemblée représentative de la nation, apte à sauvegarder ses droits à elle comme ceux de ses mandataires, défendue contre les tentatives du gouvernement, mais mise aussi soigneusement à l'abri de la pression populaire directe que des influences ministérielles, chargée, non seulement de constituer et de légiférer, mais encore de contrôler l'administration et, pour assurer ce contrôle, disposant seule de ce nerf de la guerre, de l'argent, la fortune du pays.

Certes, voilà deux pouvoirs bien forts et bien indépendants l’un de l’autre. Toutefois, dans le programme de Mirabeau, ils sont étroitement rattachés entre eux, afin que leur double activité concoure au bonheur de la nation et qu’ils exercent réciproquement, le gouvernement sur l’Assemblée, comme l’Assemblée sur le gouvernement, une surveillance salutaire, sans que cette surveillance puisse les gêner l’un l’autre. C’est ainsi que Mirabeau s’est efforcé de fonder une monarchie parlementaire, sincère dans ses intentions, puissante par ses effets.

En dehors de ces deux pouvoirs, il place le pouvoir judiciaire, sage précaution dont les anciens abus de la monarchie rendaient la nécessité évidente. Mais le corps judiciaire dépendra aussi peu du peuple que du gouvernement; car il doit ignorer l'esprit de parti, l’aréopage qui décide de la liberté, de la vie et de l’honneur des hommes. Ne relevant que de sa conscience, il remplit une mission qui le place au-dessus des intérêts du monde. Il ne lui est pas moins interdit d’empièter sur les autres pouvoirs et il n’a pas qualité pour s’attribuer des fonctions exécutives et législatives, comme le faisaient les parlements. Néanmoins, le pouvoir judiciaire reste, en somme, le plus indépendant de tous.

Il est encore un autre pouvoir dont il importe de tenir compte, le pouvoir provincial et communal, où municipal. Mirabeau l'a toujours défendu. Dans la nouvelle division de la France, pour laquelle il voulait que l’on tint compte des usages et des vœux des habitants, il cherchait à concilier la centralisation adminis-