Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LE DIRECTOIRE, LE CONSULAT ET L'EMPIRE 341

Bientôt, devant l’immense effort et les succès de la France contre l'étranger, il sent que ce n’est pas de là que viendra le despote, et il arrête le schéma de ses prévisions qui, dès lors, ne variera plus, si ce n’est dans les détails de sa réalisation : il ÿ aura un nouveau pouvoir, le pouvoir absolu d’un seul, dictateur issu de la Révolution ou général républicain, puis sera rétablie la royauté légitime. Alors le cycle sera clos et l'équilibre rétabli, car nous savons qu’à ses yeux les Français ont un tempérament irrémédiablement monarchique.

Le 1° juin 1798 il écrit à M. de Monciel, alors réfugié à Londres : « Tout décèle une disposition de leur part à établir en France un despotisme militaire! Hélas, Monsieur, si, comme vous, tout le monde avait voulu le bien de la France, ce serait en ce moment le pays le plus libre et le plus heureux de l'Univers?. » Le 7 mars 1793 il dit dans une lettre à Jefferson : « Déjà ils commencent à appeler un dictateur à grands cris. » Au milieu du mois d'octobre suivant, après l'exécution de la reine, il donne à Washington la formule précise de sa pensée : « Quel que soit le lot de la France dans un avenir lointain, et en metlant de côté les événements militaires, il semble évident qu’elle doit bientôt ètre gouvernée par un despote unique. Pour en arriver à ce point passera-t-elle par l'intermédiaire d’un triumvirat ou d’un autre petit corps de personnes, cela paraît incertain ‘. »

Il est clair que, dans l'ordre logique de ses idées, ce serait la dictature militaire qui devrait avoir le plus de chances. Il le dit dans une lettre à Washington le 12 mai 1794: «Si cependant les armées de la République étaient triomphantes, à mon avis, elles seraient les premières à renverser la Convention car tel est le cours habituel des choses *. » On reconnaît là la doctrine conditionnelle ; on trouve dans ces lignes l'écho des paroles de Bodin et de Mably. Mais Morris dans une lettre postérieure du 18 avril 1794, celle où il raconte la chute de Danton, constate avec surprise que jusque-là la Ré-

1. Parle-t-il là des Français ou des puissances étrangères ? Nous n'avons qu’un fragment de la lettre.

2. T. JT, p.23. Lettre. en français, —"3. M. IL, p. 4x:

4h. T, AL, p. 54 — 5. T. IE, p. Go.