Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

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aux États-Unis. C'était pour ceux-ci une grave décision à prendre: elle soulevait des questions constitutionnelles et politiques analogues à celles qu'a fait naître récemment, après la guerre hispano-américaine, l’acquisition des anciennes colonies espagnoles, les Philippines et Porto-Rico. Morris alors ne siégeait plus au Sénat et il n'était pas favorable à l'administration du président d'alors, qui était Jefferson. Il fut néanmoins consulté par le gouvernement ; tellement élaient estimées sa sagesse et sa science. Sur la question con stitutionnelle, c'était aussi au constituant de 1787, qu'on faisait appel. Il répondit avec une grande réserve. Le 25 novembre 1803 il écrit à Henry W. Livingston : « Je suis très sûr que je n avais pas en vue d'insérer dans la Constitution de l'Amérique un décret de crescendo imnerio, sans examiner si une limitation de territoire est ou n’est pas essentielle à la conservation d’un gouvernement républicain. Je suis sûr que les pays entre le Mississipi et l'Atlantique dépasse de beaucoup les limites qu'assignerait la prudence, si effectivement une telle limitation est nécessaire. Un autre motif, d’une force égale, peut m'avoir empèché de songer à une semblable clause. Je savais alors aussi bien que maintenant que nous devons en définitive nous annexer toute l’Amérique du Nord — heureux encore si ce prurit de domination s'arrête là. Il eùt donc été parfaitement utopique d’opposer à la violence du sentiment populaire une barrière de papier dans un gouvernement populaire !. »

Mais dans cette affaire comme toujours, lorsqu'il s'agit simplement des rapports entre les Etats-Unis et la France, Morris est un ardent patriote. Dès le 23 février 1803, il écrivait sur ce sujet une lettre à Necker où, en termes magniliques, il pose avant Monroe, la doctrine qui porte le nom de celui-ci : « Vous avez bien raison, Monsieur, dans ce que vous dites, et dans ce que vous pensez sans le dire, sur la Louisiane. Oui, si notre administration permet aux Français de s’y nicher, on n’en sera quitte que par des guerres et des convulsions affreuses.. Oui, Monsieur, l'Amérique dort, pen-

2 Le Il, p'fh27