Gouverneur Morris : un témoin américain de la Révolution française

LE DIRECTOIRE, LE CONSULAT ET L'EMPIRE : 353

dant qu'on aiguise le poignard, pour lui porter un coup mortel. Mais on se trompe. Les flots d’une mer immense roulent et grondent entre le projet et son exécution. Les grands arbitres des affairèés humaines, le temps et le sort, ont prononcé la séparation des deux mondes. Et que vaut la politique contre les décrets de l'Éternel ‘?» Voici d’ailleurs ses sentiments intimes sur cet acte: « La résolution prise par la France de céder la Louisiane aux États-Unis était fondée, naturellement sur la conviction que la guerre reprendrait, comme c’est déjà commencé, entre la France etl'Angleterre. Vous me dites que vous aviez déjà commencé à trembler pour le commerce de votre ville. Dans ma lettre du 14 janvier j'avais dit, avant vous : « Je considère que la paix récemment brochée avec la France sera de très courte durée. » La paix d'Amiens était, à mon avis, la plus lourde bévue qui ait jamais été commise par des hommes ayant la moindre prétention au sens commun. Elle mettait l'Angleterre dans la nécessité de recommencer la guerre pour conserver son indépendance. Si elle était maintenue, elle donnait à la France la certitude de ruiner sa rivale à brève échéance. Elle tendait dans ses conséquences à détruire complètement les libertés de l Europe ?. 2, » Sans doute il conserve ses appréhensions sur les conséquences politiques de l'annexion et il les exprime le 7 janvier 1804 à Jonathan Dayton, mais il commence Ne : « Quant à la cession de la Louisiane, j'aurais perdu toute pudeur aussi bien que toute prétention à l'intelligence, si je nel approuv ais pas. Quelques millions de plus ou de moins pour le prix peuvent fournir aux démocrates une bonne occasion de crier, lorsque le traité a été fait par leurs adversaires, mais en réalité cela est négligeable lorsque le sujet est traité sur une grande échelle? »

1. T, IL, p. 434. Lettre en françus — 2, €. II, pute LL ep 62: