Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

1e LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

des droits civils, sauf à essayer de les ramener peu à peu par des grâces accordées aux seuls convertis ? Si l’on consulte les Mémoires de Louis XIV, écrits pour le Dauphin, à année 1661, on voit que le jeune Roï était résolu à «ne pas presser du tout les protestants par des rigueurs nouvelles et à observer les édits accordés par ses prédécesseurs, dans les bornes les plus étroites de la justice et de la bienséance » ; mais, quant aux gräces qui dépendaient de lui, « de ne leur en faire aucune pour les amener à réfléchir sur les avantages qu'ils auraient à se convertir. » Ainsi, au début de son règne, Louis XIV, tout en caressant le rève de la réunion des schismatiques, fut opposé aux remèdes violents, comme ne convenant pas à la nature du mal.

Mais, plus lard, le Roi se laissa induire en erreur par certains ministres et conseillers, qui lui assuraient que la conversion des huguenots élait aux trois quarts faile ; sa conscience, naturellement juste, fut faussée par ses confesseurs et par d'autres prélats, qui lui persuadèrent qu'il ne pouvait accomplir d'œuvre plus agréable à Dieu et plus profitable au salut de son âme. Aussi, malgré ces circonstances atténuantes, commeil était souverain absolu, Louis XIV demeure le principal coupable de lattentat, qui allait se commettre contre la liberté de conscience.

S 2. — Louis XIV eut affaire à trois groupes de dissidents, de nombre et de valeur sociale très inégaux: les Israëlites, les Jansénistes, les Réformés. Il fut juste et bienveïllant avec les premiers ; injuste et violent vis-à-vis des deux autres.

L'ordonnance exterminatoire de Louis XIII contre les juifs (1615) n'avait pas été appliquée rigoureusement à toute l'étendue du territoire francais ; elle avait souffert des exceptions, soit par suite de privilèges antérieurs, non abrogés, soit à cause de traités accordés par des souverains étrangers. Ainsi, les communautés de juifs espagnols ou portugais, dits « Marranes » établies à Bordeaux et à Bayonne, depuis le règne de Henri Il, et qui s'adonnaient au commerce marilime,

élaient tolérées, et célébrèrent leur culte, d’abord en secret,