Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

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fait dans le livre de Jansénius, et, en certains cas, le Roi envoya les récalcitrants à la Bastille. Enfin, malgré les efforts de M£' de Noailles, archevêque de Paris, qui sentait l’odieux d'une telle inquisition faite dans les consciences de l'élite morale de son troupeau et des religieuses du diocèse, le P. Le Tellier (de la compagnie de Jésus) obtint du Roi l'ordonnance qui licenciait les nonnes de Port-Royal des champs (29 octobre 1709). On sait comment la mesure fut exécutée et que ce Roi dévot ne rougit pas de disperser par la force armée les religieuses et même de profaner les tombes de Port-Royal !

Après les Jansénistes, ce fut le tour des Quiétistes. Bossuet put une attitude violente dans cette affaire, ne ménageant même pas son collègue Fénelon. M" Guyon expia dans une cellule de la Bastille le crime d'avoir professé les idées du prêtre Molinos et du P. La Combe.

Quand on traitait ainsi des catholiques, dont le seul tort élait leur indépendance, comment les Réformés eussent-ils trouvé. grâce devant le roi, défenseur de l’orthodoxie? Louis XIV, au début de son règne, semblait disposé à faire observer les édits rendus par les rois ses prédécesseurs, en faveur du culte réformé. En 1667, en effet, il fit nommer deux commissaires par généralité, lun catholique, l’autre réformé, pour s'enquérir des infractions faites à l'Édit de Nantes et y remédier au besoin.

Le premier moyen, dont il usa pour les réduire, fut de les priver de toute faveur. Mais cette mesure était déjà contraire à l'Édit de Nantes, d’après lequel les charges et dignités élaient accessibles à tous les Français, sans distinction, el contenait en germe une foule de dénis de justice. Ainsi, dans l'armée, les Rélormés se signalèrent par des actions non moins mériloires. Qui ne connaît les exploits d’un Duquesne, d’un Turenne, d’un Schomberg, d'un Gassion ? Et pourtant Louis XIV ne voulut jamais accorder au premier le plus haut grade de la marine, à cause de sa fidélité à la foi réformée ; il est vrai que, par une sorte de remords, il erut devoir un

jour s’en excuser auprès de lui.