Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

DEPUIS LA MORT DE MAZARIN JUSQU'A L'ÉDIT DE TOLÉRANCE ÔI

Eh bien, le croirait-on ? Ces moyens multiples de forcer les consciences n’aboutirent qu’à de maigres résultats ; tous ces coups de marteau ne firent qu'user les marteaux contre l’enclume huguenote. Louis XIV, cependant, éperonné par le clergé, qui lui persuadait qu'il avait entrepris la plus grande œuvre de son règne, s’impatientait de ces lenteurs.

D'autre part, s'étant brouillé avec le Pape et jouant presque le rôle de « Summus episcopus » de l'Église gallicane, il pensa écarter le soupçon d’être schismatique, en se montrant d'autant plus impitoyable pour les hérétiques. Ainsi ce Roi absolu se trouva entraîné, par une insensible pente, des moyens indirects aux voies de rigueur. Sur le conseil des intendants et du marquis de Louvois, il ordonna d’exempter du logement des gens de guerre et de la contribution militaire pendant deux années tous ceux de la religion prétendue réformée, qui se seraient convertis ou se convertiraient depuis le 1° janvier 1682". La conséquence, qui n’était pas mentionnée dans l’ordonnance, mais qui en résultait logiquement, c’est que l’on surchargea d'autant plus de garnisaires les dissidents, qui persistaient dans leur croyance. Ce fut l’origine des « dragonnades ? ».

Nous ne nous étendrons pas sur ces horreurs, nous contentant de signaler à l’indignation de tous les amis de la liberté de conscience un seul trait des instructions de Louvois. Le ministre écrivit à Marillac, intendant du Poitou, que « Sa « Majesté, ayant appris avec beaucoup de joie le grand nom« bre de gens qui se sont convertis, trouvera bon que le « plus grand nombre de cavaliers et officiers soient logés « chez les récalcitrants. Si, d’après une répartition juste, les « religionnaires en devaient porter dix, vous pouvez leur en « faire donner vingt ». Mais ensuite il recommanda à l’intendant de communiquer les ordres aux maires et échevins

1. Ordonnance du 11 avril 168r. 2. Elie Bexoîr, Histoire de l'Edit de Nantes, livre XVIT, pp. 4 479 et 480; et v. Sarr-Simox. Mémoires, livre VIII,