Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

22 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

des lieux, « non par écrit, mais de vive voix, afin qu'on ne « püt pas dire que le Roi voulait violenter les huguenots ! ».

Ainsi les persécuteurs n'avaient même pas la franchise de leur cruauté.

D'ailleurs, et on l’a ci-dessus démontré, il ne restait plus guère, en 1685, d'article de l'Édit de Nantes qui n'eût été abrogé ou éludé; il n'y avait plus qu'un dernier coup de pioche à donner pour faire crouler l'édifice, miné de toutes parts. Une première proposition de révoquer l'Édit de Nantes avait été faite en 1669?, à l'époque de la paix de l'Église avec les Jansénistes, mais fut rejetée. Reprise seize ans plus tard, elle fut adoptée. Colbert (im. 1683) n’était plus là pour mettre quelque tempérament aux mesures d'intolérance et par contre Louvois, déçu dans son ambition de ministre de la guerre par la trêve de vingt ans qui venait d’être signée, M"° de Maintenon à qui Louis XIV venait de s'unir par un mariage secret, l'archevêque de Paris et la grande majorité du clergé, enfin, le père La Chaise, confesseur du Roi, poussaient tous ce dernier à achever « un chef-d'œuvre tout à la fois de religion « et de politique, qui faisait triompher la véritable religion « par la ruine de toute autre et qui rendait le Roi absolu « en brisant toutes ses chaînes avec les huguenots » (SaintSimon). L'acte de Révocation fut donc signé le 17 octobre 1685 par Louis XIV et contre-signé par le chancelier Le Tellier. « Puisque, y était-il dit, la majeure partie de ses sujets de la religion prétendue réformée avaient embrassé la catholique », l'Édit de Nantes et celui de Nimes étaient révoqués comme inutiles, l'exercice du culte réformé était aboli dans tout le royaume. Les pasteurs devaient en sortir dans un délai de quinze jours et y cesser loute fonction, sous peine des galères”.

r. Lettre de Louvois à l’intendant Marillac, mai 1081.

>. Rurmières. Zclaircissements historiques, 1, p. 115.

3. Les ministres du culte réformé qu'on trouverait sur le territoire français étaient passibles de la peine de mort (v. Déclarations du 20 novembre 1685 ; des 29 avril et 7 mai 1686, et autres de 1699, 1700, 1711 et 1713.)