Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

54 LA LIBERTÉ DE CONSCIENCE EN FRANCE

lique. L'auteur, sans doute un ecclésiastique, s’appuyait sur l'autorité de saint Augustin! pour justifier la persécution des réformés et soutenait cette thèse contradictoire que ce qui était une « conduite sainte et régulière » de la part de l'Église catholique serait « une oppression tyrannique » si les puissances protestantes s’avisaient de persécuter les catholiques. Bossuet, qui naguère avait employé à la conversion des huguenots les armes légitimes de la controverse, céda à l’entrainement général et fit le panég yrique de l’auteur de la Révocation : « Disons à ce nouveau Constantin, s’écriait-il, à ce nouveau « Théodose, à ce Charlemagne : vous avez affermi la foi, vous « avez exterminé les hérétiques. C’est le digne ouvrage de « votre règne”. »

Bossuet se trompait, la Révocation fut un acte indigne de l'Église catholique, du Roi et du nom chrétien. Elle allait provoquer en Europe des cris unanimes d’indignation, de piüé et de protestation et amener en plusieurs pays des représailles. Que les protestations les plus nombreuses en faveur de la tolérance émanassent des rangs des victimes, cela n’étonnera personne. Ils sont rares, en tout temps, ceux qui ont le courage de défendre le droit lésé d'autrui. D'ailleurs, l’idée de tolérance, paraissait alors une innovation dangereuse et comme une « désertion de la cause de Dieu et du Roy. »

Le premier écrivain, qui ait soutenu celte cause, est D'Huisseau, pasteur à Saumur. Il émit, dans un livre intitulé : La Réunion du Christianisme (1669)° le vœu suivant: « Pourquoi ne pas, dans les choses qui ne sont pas encore « éclaircies, user d’une tolérance charitable? Qu’ainsi, tous « ensemble, nous travaillions comme des frères unis à la « gloire du Père commun de la grande famille, dont Jésus« Christ est le chef! »

1. V. Lettresà Boniface, comte d'Afrique, et à Vincent, évèque donatiste.

2. Oraison funèbre de Michel Le Tellier (25 janvier 1680).

3. Ce livre fut réfuté par Jurieu et valut à son auteur d’être déposé de ses fonctions de pasteur par le synode réformé d'Anjou.