Histoire de la liberté de conscience : depuis l'édit de Nantes jusqu'à juillet 1870

DEPUIS LA MORT DE MAZARIN JUSQU'A L'ÉDIT DE TOLÉRANCE DD

Mais l'honneur d’avoir, dans le siècle de Louis XEV, proclamé l’idée de la tolérance, presque sans réserve, et d’avoir plaidé, entre les deux camps ennemis, la cause de la liberté de conscience, appartient sans conteste à Pierre Bayle. C’est lui qui a trouvé le premier cette formule précise et large : « Tout homme, qui use honnêtement de sa raison, est orthodoxe à l'égard de Dieu. » Bayle' entreprit sa campagne contre l'intolérance en 1683 et la poursuivit plusieurs années après la Révocation. Dans sa retraite de Rotterdam, il publia, sous le voile transparent d’un anonyme, des pamphlets qui sont des chefs-d’œuvre de dialectique et d'ironie?, Il y réfutait le traité, ci-dessus : « De la conformité de la con« duite de l'Église de France avec celle de l'Église « d'Afrique » et démontrait qu'il est abominable d'employer la contrainte, car elle n’engendre que des conversions feintes ou hypocrites. Il réclamait, au nom de la tolérance, une place dans la société civile, pour tous les non-catholiques, y compris les Juifs, les Musulmans et même les athées, « à condition, disait-il, qu'ils vivent comme s'ils croyaient en Dieu! » Personne, avant Voltaire, ne décocha de traits plus mordants contre le fanatisme. Le succès des écrits de Bayle marque le progrès des idées de tolérance, mais il faut avouer qu'il rencontra des adversaires non moins résolus dans le camp protestant, que chez les catholiques.

A la suite de Bayle, toute une pléiade d'écrivains de second ordre développèrent la thèse de tolérance et de la liberté des cultes, en l’étayant çà et là par quelques arguments nouveaux. Méritent d’être mentionnés: Jurieu, qui, tout en admettant que le magistrat imposät silence à l’hérétique, réprouvait les moyens violents ; Élie Benoît, et surtout Jean Claude, pasteur de Charenton, qui défendit la liberté de

1. V. Ch. Lexiexr: Étude sur Bayle, Paris, 1855.

2. Voir: Pensées diverses écrites à un Docteur en Sorbonne, à l’occasion de la Comète qui parut en décembre (1680). — Ce que c'est que la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand (1685), et surtout le Commentaire philosophique sur ces paroles de J.-C. « contrains-les d'entrer » (1686).