La Bulgarie : ses ambitions, sa trahison : accompagné des textes de tous les traité secrets et correspondances diplomatiques

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se divisait seulement en deux groupes : les Turcs, seigneurs et oppresseurs, et les chrétiens, la raya, «roumi-millet », les opprimés.

Les Turcs ne s’intéressaient nullement à la composition nationale de la raya. Unis dans l'égalité de l'Islam, ils n'ont pas fait ressortir eux-mêmes leur nationalité de la masse musulmane et, par analogie, ils ont supposé que la même unité existait dans la masse de la raya, et ils ne l’ont séparée qu'au point de vue de la religion.

Islamisme d’une part, chrislianisme orthodoxe d'autre part. Les Turcs considèrent le christianismeorthodoxe comme romain, c'est-à-dire comme religion byzantino-grecque; de là vient que le Byzantin, le Grec est considéré — d’après la conception des musulmans — comme « roumi », et c'est une désignation suffisante pour le sujet chrétien de l'empire ottoman, sans le moindre égard à sa nationalité propre. « Roumi » signifie non musulman, Grec.

Les Turcs désignaient tout le territoire compris dans les limites de la Péninsule balkanique sous l'appellation de provinces grecques, de « roumi-vilayet ». Suffisamment tolérants, au point de vue religieux, d'après leurs traditions séculaires, les Tures reconnaissaient le Patriarche de Constantinople comme chef de tous les chrétiens. Cette circonstance mettait aux mains du clergé grec toutes les églises et les écoles de la Péninsule balkanique. Le réveil national, qui a rempli l'histoire du xix° siècle, a rencontré, dans les Balkans, une immense opposition, précisément à cause de l'unification arbitraire de toute la population chrétienne en une même église universelle antinationale. Les Bulgares ont su tirer admirablement parti de cette opposition. Persuadés que, dans l'empire ottoman, la nationalité ne pouvait pas être reconnue sans la reconnaissance de l'église séparée, ils ont concentré tous leurs efforts sur la création d’une église bulgare autonome, séparée du patriarcat grec, au point qu'en l’année 1859 peu s’en est fallu que Dragan Tsankoff (le chef bulgare, et plus tard chef du parti libéral-progressiste), n'ait conduit ses co-nationaux au catholicisme.

‘ Alexandre Amphithéatroff, Slaviankoié Goré (Les malheurs slaves), Moscou, 1912, pp. 244, 245.

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