La correspondance de Marat

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64 LA CORRESPONDANCE DE MARAT

tume de mon cœur, je dis à quelques montagnards : Von, il n'est pas possible que le peuple se sauve, s'il n'a des chefs! Eh quoi! s'écrie un homme d'État qui m'écoutait ; tu demandes un chef ? Animal, repris-je à l'instant, un chef dans ma bouche n'est pas un maître, personne n'a plus d'horreur d'un maître que moi: mais, dans la crise actuelle, Je veux des chefs qui dirigent les opérations du peuple, afin qu'il ne fasse point de fausses démarches, et que ses efforts ne soient pas impuissants ; car, qu'est-ce que cent mille hommes sous les armes depuis vingt-quatre heures, lorsqu'ils n'ont point de chefs pour les diriger ? Citoyens, voilà le fait, appréciez-le; et Jugez-mai. È

Frères et amis, je suis dans mon lit en proie à une maladie inflammatoire, fruit de mes veilles, auxquelles je me suis livré depuis quatre ans pour défendre la liberté, et surtout des tourments que je me suis donnés depuis neuf mois pour abattre la faction des hommes d’État. Si les preuves invariables que j'ai données jusqu'à ce jour, de mon ardent civisme, ne suffisent pas pour garantir la pureté de mon cœur aux amis de la patrie, j'ai eu tort, sans doute, de m'être fait anathème pour la retirer de l'abime: les dégoûts que j’éprouve sont à leur comble! Communiquez ma lettre à vos affiliés de La Rochelle, peignez-leur l'aristocrate Mussel, mon dénonciateur, et permettez que je respire un instant. C'est trop d'avoir à combattre à la fois la scélératesse des ennemis de la liberté et l’aveuglement de ses amis.

Je vous salue fraternellement.

MaraT, député de la Convention.

Paris, ce 20 juin 17193, l'an 2e de la République une et indivisible.