"La Guzla" de Prosper Mérimée : étude d'histoire romantique (oštećen primerak)

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CHAPITRE 11.

fragments, dans la Picardie 1 ». Et il insérait une pièce en plus, le Convoi du Duc de Guise, « romance ou chanson des rues ». Un autre amateur de la ballade britannique essayait vers la même époque d’en transplanter quelques-unes en France. Ce n’était autre que Florian. 11 traduisit le Vieux Robin Gray de lady Lindsay; cette charmante ballade d’origine récente et nullement campagnarde était un pastiche adroitement calqué sur un sujet traditionnel et adapté à un vieil air écossais : sous le couvert de l’anonymat, elle passa longtemps pour une ballade populaire authentique 2. Les paroles de Florian furent mises en musique par Martini, l’auteur de Plaisir d’Amour ; cette traduction obtint un grand succès en France. En 1816, M mß Charles la chantait à Lamartine, et le poète du Lac, trente ans plus tard, déclarait dans une page de Raphaël qu’il ne pouvait entendre sans pleurer les vers de celte touchante ballade :

Quand les moutons sont dans la bergerie, Quand le sommeil aux humains est si doux, Je pleure, hélas! les chagrins de ma vie, Et près de moi dort moiyvie|| époux 3.

Pardonnons à Florian d’avoir cru l’embellir en éliminant de parti-pris ce qui en faisait la « couleur locale » et la valeur expressive. (L’original, par exemple, porte « ronfle » au lieu de « dort ».) Faisons-lui plutôt honneur d’avoir été l’un des premiers et l’un des rares qui surent comprendre au xviii 0 siècle le charme de ce genre naïf.

1 Pièces intéressantes, tome 111, pp. 247-249. 2 Elle est traduite en prose française par Loève-Veimars, dans ses Ballades, légendes et chants populaires de l’Angleterre et de l’Écosse, Paris, 1825. 3 Léon Séché, Le Roman de Lamartine, Paris, 1909, pp. 89-103.